Dédicace

Albert CAQUOT a dit, «  Notre soif de connaître trouve surtout à s’apaiser dans ces ouvrages de synthèse mis à notre disposition par le labeur généreux d’un esprit éclairé. Par eux nous saisissons, dans une vue d’ensemble, logique et rigoureuse, un groupe de connaissances humaines à un instant donné  « .

A tous ceux qui combattent l’intolérance, et qui, par leur vie quotidienne, militent pour la paix, et le bonheur chez tous les peuples du monde, nous dédions cet aperçu de l’enjeu géopolitique des sociétés minières internationales en République Démocratique du Congo, car il est pluridimensionnel et la cause principale des maux qui ravagent la région des Grands Lacs d’Afrique en cette fin du deuxième millénaire après Jésus-Christ.

La liberté est une des vertus qui rend l’homme capable de chercher la vérité par son intelligence à travers les âges. Il arrive que cette vérité blesse, sorte de son puits si profond soit-il …et que le martyre s’en suive. Heureux quiconque donne sa vie pour la liberté, la vérité, la paix, l’égalité des chances et tant d’autres valeurs humaines bafouées par l’excentricité des intérêts économiques.

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INTRODUCTION

La République Démocratique du Congo (RDC) est un scandale géologique, surtout au sud-est du Katanga où se trouvent les plus grandes réserves de cuivre non encore exploitées du monde, dans ce qu’on appelle en anglais copper-belt qui veut dire  » ceinture de cuivre  » et qui s’étend jusqu’en Zambie.

En 1978, la RDC était la première productrice de ce métal rouge avec 500.000 tonnes par an. Cette production est passée à 30.000 tonnes en 1995, à cause d’une mauvaise maintenance des infrastructures minières de la principale mine de Kamoto à Kolwezi dont une section s’est écroulée en septembre 1990 alors que sa production représentait 33% de la production de la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines), principale pourvoyeuse des devises du Trésor public au Congo-Kinshasa.

Ce manque de maintenance et l’absence de modernisation des infrastructures minières étaient généralisés au Zaïre à cause non seulement de la baisse des prix du cuivre, mais surtout de la mauvaise gestion du portefeuille de l’Etat par les gouvernements successifs du régime Mobutu.

Toutes les informations contenues dans ce document sont destinées à quiconque veut suivre de près l’évolution de la situation chaotique qui sévit dans la région des Grands Lacs d’Afrique. Ces informations proviennent de ma propre expérience du terrain, de mes recherches et de nombreuses sources.

La RDC est aussi un scandale géopolitique, avec tout son atermoiement dans la recherche de la stabilité politique depuis avril 1990. Ce qui a poussé les grandes transnationales minières à lui tourner le dos et à aller investir ailleurs durant les dernières années, notamment en Zambie, au Chili et en ex URSS.

LES SOCIETES MINIERES A L’ASSAUT DE LA RDC

Comment expliquer ce regain d’intérêt des sociétés minières pour l’Afrique centrale ? Et au vu des transactions connues, comment se dessine l’exploitation future des ressources de la Région des Grands Lacs d’Afrique sous la nouvelle autorité? Les réponses se trouvent dans la dynamique de deux actions convergentes:

La première action:

Elle consiste en pressions exercées par les institutions financières internationales sur les pays de la région, pour qu’ils remboursent leurs dettes.

En effet, plusieurs pays en voie de développement ont contracté, auprès d’un grand nombre d’institutions financières internationales comme la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI), des dettes énormes et ne parviennent pas à y faire face. Dans beaucoup de ces pays pauvres les biens nationaux et les aides internationales ont été gaspillés par des politiques de dilapidation, comme au Zaïre par exemple, sous le régime Mobutu.

La chute des cours et de la production de certaines matières premières, l’incurie et la corruption des gouvernements mettent ces Etats en voie de développement dans des situations difficiles vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux. Pour respecter le calendrier de remboursement de leurs dettes, les institutions internationales les obligent à appliquer une politique économique qui se résume généralement en trois décisions impopulaires:

1) Des coupes sombres dans les services de l’Etat, surtout dans le secteur social de base (éducation, santé …)

2) La privatisation des entreprises d’Etat.

3) Dévaluation de la monnaie, dont l’importance sur le niveau de vie de la population a toujours été sous-évaluée.

La deuxième action:

Elle concerne les profondes transformations de l’industrie minière mondiale des dernières années.

Les transnationales minières profitent, elles aussi, pour leur expansion, du mouvement de privatisation des entreprises d’Etat.

Les années 1970, en effet, avaient été caractérisées par la nationalisation de certains secteurs industriels, particulièrement ceux liés à l’exploitation des ressources naturelles; ces nationalisations ont fait partie de la stratégie de développement d’un grand nombre de pays d’Afrique.

Le mouvement inverse s’est amorcé en 1993; 18,5% de la valeur de l’ensemble de la production minière mondiale (pétrole excepté) était aux mains d’entreprises d’Etat. En 1994, cette proportion était de 16% et il était prévu qu’elle ne serait plus que de 14% à la fin de1996.

C’est dans les pays développés d’abord que les privatisations des mines ont été les plus importantes: de juin 1995 à mai 1996, 2,2 milliards de $ US y ont été dépensés pour les acquisitions de ce type d’entreprise, soit le double de l’année précédente. La part de l’industrie minière des pays occidentaux qui appartenait aux Etats a ainsi diminué de 40% durant cette période. En comparaison, cette diminution n’a été que de 6% dans les pays en voie de développement. Dans ces pays, les exportations des matières premières comptent pour la plus grande part des revenus de l’Etat. Les troubles socio-politiques liés à la privatisation y sont donc beaucoup plus importants qu’ailleurs.

C’est ce qui explique qu’après une première vague de privatisations, des critiques de plus en plus fortes se sont fait entendre dans les pays en voie de développement. Des ententes négociées depuis longtemps ont été reportées. Plusieurs pays du Sud invitent désormais les « investisseurs » non plus à racheter les entreprises d’Etat, mais à venir en créer de nouvelles. Ce qui n’intéresse pas beaucoup les financiers qui cherchent à obtenir rapidement un rendement sur l’investissement initial. C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’engouement récent pour la Région des Grands Lacs d’Afrique.

Ainsi, derrière le drame que vit l’Afrique Centrale depuis 1990, immédiatement après la fin de la guerre froide, il y a un enjeu important pour les transnationales minières. Les ressources minières dans d’autres pays du monde sont déjà fortement entamées, si pas épuisées, et celles qui sont en exploitation présentent des coûts de revient trop élevés.

Les grands financiers de ce monde, chasseurs de richesses minières ont les yeux braqués sur l’Afrique Centrale où les gisements découverts sont encore vierges ou mal exploités et susceptibles d’ouvrir des marchés aux grands capitaux.

L’effondrement de l’ex-URSS a laissé le champ libre et a livré toute la planète au capital international. La disparition du monde communiste a mis un terme à la bipolarité issue de la deuxième guerre mondiale favorisant ainsi rapidement la montée en puissance des sociétés multinationales dont aucune force, désormais, ne peut contrarier l’expansion et les stratégies.

Pour assurer leurs capitaux, ces financiers ont besoin d’une politique économique et financière taillée à leur mesure, c’est pourquoi les transnationales minières se disputent les morceaux les plus juteux dans l’une ou l’autre partie de l’Afrique Centrale, et cela au gré des tendances politiques ou des « rébellions » qui leurs sont associées et parfois même créées par elles.

LES MEDIAS DEVOILENT

Depuis 1996, alors que la rébellion annonce la prise des principales localités de la RDC, les médias s’empressent de préciser leur importance économique et dévoilent par la même occasion les acteurs principaux jusque là inconnus: des grands financiers intéressés par l’exploitation des ressources minières du Congo. Jugez de leur importance: la Consolidated Eurocan Ventures du Lundin Group, Barrick Gold Corporation (BGC) aujourd’hui en deuxième position pour la production mondiale de l’or, l’Anglo American Corporation (AAC) d’Afrique du Sud, la plus importante compagnie minière du monde, abstraction faite des pétrolières. Il y en a aussi des « petites », moins connues mais qui osent affronter les grandes sur un terrain en pleine crise, c’est le cas d’American Minerals Fields Inc. (AMFI) et de son associé l’American Diamond Buyers, et d’autres encore: des Etats-Unis, du Canada, d’Afrique du Sud, d’Ouganda, de Belgique, d’Israel…

L’AMFI, créée en 1995, a été forgée comme un instrument destiné à exécuter en Afrique la volonté de domination économique des financiers occidentaux et particulièrement d’assouvir en RDC les desseins des sociétés américaines dont les dirigeants participent aux grands enjeux stratégiques mondiaux qui relèvent de la science, de la technologie, des finances, des industries ou de la politique.

Ayant d’énormes capitaux, ces grands industriels ont amorcé une lente mutation qui a atteint sa maturation au milieu des années 1990. En effet, les sociétés multinationales ne se contentent plus aujourd’hui de dicter leurs lois aux gouvernements du monde, même aux plus puissants, ni de contrôler ces Etats. Elles nourrissent désormais l’ambition de fonder un nouvel ordre mondial, en procédant à la création de nouvelles entités étatiques qui seraient leurs propres émanations et fonctionneraient comme un de leurs organes (souvenez-vous de la fameuse phrase de Georges BUSH au début de la guerre d’Irak:  Nous allons instaurer un Nouvel Ordre Mondial.

Les moyens militaires que ces groupes détiennent et manipulent leur permettent d’imposer leur volonté à des institutions nationales ainsi qu’à des gouvernements; de prendre possession d’un Etat, de l’acheter entièrement mais également de l’anéantir, d’en démanteler les structures et d’ériger à la place une nouvelle entité étatique fonctionnant comme une simple filiale, un vulgaire établissement ou un banal comptoir.

Aujourd’hui aucune institution, aucune organisation, nationale ou internationale, aucun gouvernement, aucun pays et forcément, aucun individu, fut-il Président de la République, ne peut opposer de résistance notable à ces nouveaux maîtres du monde. Monstres sans tête, les puissantes firmes multinationales au travers de mégafusions successives, augmentent leur taille autant que leur pouvoir et leurs capacités de nuisance face aux populations banalisées.

Ces puissances financières ont entrepris la reconquête et le remodelage des pays du monde, retraçant de nouvelles frontières comme en ex-Yougoslavie, forçant la création de nouveaux Etats comme dans les Balkans,en Asie Centrale et bientôt en Afrique Centrale.

L’Afrique se trouve en effet au centre de ces nouveaux enjeux planétaires. Avec près du tiers des réserves de matières premières de la planète, abandonnés par les anciennes puissances métropolitaines qui se désengagent progressivement, tant du point de vue de la coopération (laissée désormais aux ONG) que du point de vue militaire, les pays africains sont devenus la proie facile des sociétés multinationales.

Pour mieux contrôler leurs capitaux, elles imposent aux populations les dirigeants politiques de leur choix, qui sont souvent très mal connus du peuple, déstabilisent ainsi la région et donnent, par le biais hypocrite d’une soi-disant pacification, l’occasion aux armées de l’ONU d’entériner une scission de fait dont le peuple ne veut pas. Elles ont alors créé leur Etat dans l’Etat.

Les gouvernements des anciennes puissances coloniales occidentales ne possèdent plus les moyens de leur politique en Afrique; les multinationales propriétaires et manipulatrices d’énormes capitaux occupent désormais la place laissée vacante, et, de gré ou de force, mettent en place un nouvel ordre politique dicté par leurs seuls intérêts au détriment des populations.

Les dimensions de la République Démocratique du Congo (aussi grande que l’actuelle Union Européenne), sa situation géostratégique au cœur du continent, le partage de ses frontières avec neuf autres pays ainsi que ses richesses minières la désignaient comme première cible et terrain de choix pour la poursuite en Afrique de cette stratégie mondiale.

La tentative d’appropriation du Congo par la guerre devrait permettre à ces multinationales minières, si la victoire choisit le camp de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi qui se battent pour elles, de faire main basse sur les richesses minières congolaises et d’en faire l’usage qui correspondrait le mieux à leurs intérêts.

Il s’agit en fait d’une véritable recolonisation de l’Afrique par le capital privé international. L’ordre nouveau voulu par ces firmes se caractérise par l’abolition de l’ancien ordre politique africain issu de la Conférence de Berlin de 1885, par le démembrement systématique des anciens Etats et par la création de nouvelles entités dont le rôle et l’existence seront déterminés par la seule volonté des dirigeants de ces sociétés.

LE COBALT, LE CUIVRE ET SES ASSOCIES

A la chute du régime Mobutu des accords signés entre son gouvernement et certains cartels ont été reconduits par le nouveau pouvoir, d’autres ont été annulés et offerts à de nouvelles sociétés. Comme le pays est toujours astreint à une guerre financée par les puissances occidentales en quête de l’or, du diamant, du cobalt, du manganèse, de l’uranium et des autres minerais qui accompagnent toujours le cuivre, tels le zinc, le germanium, l’argent, le plomb, le fer, … Les transnationales minières se bousculent entre les rebelles et les gouvernementaux pour accaparer les meilleures parts, veillant à rester du côté du vainqueur et en forçant le destin si nécessaire. Avec un mépris total des populations!

La RDC possède aussi des réserves de cobalt qui seraient les plus importantes au monde, elle en a été la première productrice mondiale pendant plusieurs années. Malgré la situation lamentable de l’ex-Zaïre et la guerre, la RDC est actuellement le deuxième producteur de cobalt; ce qui aiguise la gourmandise des investisseurs comme Lundin Group, d’autant plus que le prix de ce minerai a doublé depuis 1991 suite à l’effondrement signalé plus haut d’une partie de la Mine de Kamoto à Kolwezi (Katanga), la première productrice au monde.

De nombreuses entreprises industrielles américaines ayant participé à la création de l’AMFI en 1995 sont impliquées et intéressées dans le contrat de construction de la plate-forme orbitale autour de la Terre destinée à remplacer la station russe MIR. Il s’agit d’un marché de 60 milliards de dollars qui prendra fin en l’an 2004 avec le lancement du dernier module; des entreprises et industries de 60 pays y participent.

Les alliages spéciaux entrant dans la composition de nombreuses pièces de cet engin spatial exigent d’énormes quantités de métaux rares et précieux, comme le cobalt, le niobium, le tungstène ou l’or, tous présents dans le sous-sol congolais.

Le remplacement de l’ancien « ordre » politique de Mobutu, dépourvu d’infrastructures économiques, de moyens financiers, de forces armées et entièrement instrumentalisé par l’AMFI constituait l’objectif premier du conflit parrainé par les USA.

Le premier décembre 1996, des ententes sont signées entre Consolidated Eurocan Venture une composante de Lundin Group avec le gouvernement Kengo, pour l’exploitation du cuivre et du cobalt dans la concession minière Tenke-Fungurume de la Gécamines au Katanga (Shaba). Ce gisement de Tenke-Fungurume contiendrait les plus hautes teneurs du monde en cuivre (4,42%) et en cobalt (0,33%). On escompte 100 000 tonnes de cuivre et 8.000 tonnes de cobalt en l’an 2000. Cette production passerait à 400 000 tonnes de cuivre et 17 000 tonnes de cobalt en 2010. Tout cela sous la coupole de 55% de Consolidated Eurocan Ventures et 45% de la Générale des Carrières et des Mines (GECAMINES), société de l’Etat congolais depuis 1967.

Ces ententes ont failli être signées par deux des plus importantes firmes minières sud-africaines, GENCOR et ISCOR, plus spécialisées dans l’extraction et le traitement du cuivre et du cobalt, mais l’offre canadienne de Lundin Group leur a été préférée. Ce qui expliquerait la position de l’Afrique du Sud dans le conflit actuel en République Démocratique du Congo.

En mars 1997, dès la prise de Kisangani par l’AFDL les dirigeants de AMFI vont installer leur bureau à Goma pour entrer en contact avec les autorités de l’Alliance. Le contact eut lieu grâce à un ex-colonel belge Willy MALLANTS, conseiller militaire de l’AFDL et ancien conseiller militaire de Mobutu. L’AMFI réussit à arracher l’offre au détriment de ses concurrents dont la grande AAC-GENOR. Il faut noter que ces deux compagnies ont des relations peu claires, car quatre des administrateurs de l’AMFI ont travaillé pour le compte d’AAC pendant plusieurs années.

Il s’agirait de :

  • Michael McMULLOUGH

  • Simon BROWNLIE

  • Bernard VAVALA

  • Stephen MALOUF

Le 16 avril 1997, soit un mois avant l’entrée des troupes de Kabila à Kinshasa, l’AFDL signa trois accords avec l’American Mineral Fields Inc. (AMFI) compagnie canadienne opérant à partir de l’Arkansas aux USA, dans le fief du Président des USA Bill CLINTON, et dont le principal actionnaire n’est autre que Jean-Raymond BOULLE, qui pour avoir la signature de l’AFDL avait expliqué que l’offre présentée au gouvernement de KENGO avait été refusée. Même si cette offre était la meilleure, le régime Mobutu avait préféré en janvier 1997 la soumission des compagnies sud-africaines Anglo American Corporation-GENCOR.

Les ententes entre l’AMFI et l’AFDL concernaient trois sites :

  • Un premier projet de 200 M $ US à Kolwezi pour l’extraction du cuivre et du cobalt.

  • Un deuxième projet de 30 M $ US pour une usine d’extraction de cobalt à partir de résidus de cuivre à Kipushi .

  • Un troisième projet d’une usine de traitement de zinc, nécessitant plus de 550 M $ US d’investissement à Kipushi.

Il faut noter que cette mine souterraine de Kipushi a la particularité d’avoir une forte concentration de minerais sur une petite surface et ce jusqu’à plus de 1000 mètres de profondeur; en plus du cuivre et du zinc, on y extrait du germanium et presque tous les minerais associés au cuivre.

Le 2 mai 1997, deux semaines avant la fuite de Mobutu, après avoir ratifié les ententes du Gouvernement Kengo, l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) toucha une somme de 50 millions de dollars US (M $ US) sur une transaction de 250 M $ US. Les 200 M restant sont promis au cours des quatre prochaines années. Le projet dans l’ensemble étant de 1,5 milliards $ US.

La compagnie Consolidated Eurocan Ventures branche de Lundin Group juge qu’elle a fait une très bonne affaire; en effet: des études de faisabilité d’une valeur de 268 M $ US ont déjà été effectuées dans les années 1970 par un consortium international dont Anglo Américan, Amoco et Mitsui, sociétés chevronnées dans l’exploitation de ces métaux. Consolitdated Eurocan Ventures estime que ses dépenses initiales en capital ne lui coûteront que 300 M $ US parce qu’elle pouvait commencer la production avec les infrastructures existantes. Mais elle a dû prendre des risques et Monsieur Adolf LUNDIN qui s’y connaît dans ce genre d’affaires minières disait: « si vous voulez de gros gisements vous devez aller dans des pays qui ne sont pas en vogue ».

Les médias ont pu dévoiler aussi l’audace de Jean-Raymond Boulle pendant la guerre de libération: il n’a pas hésité à dire qu’il voit « une nouvelle ère poindre au Zaïre … Il y avait un risque, mais pour l’AMFI c’était logique« . D’autres sociétés moins audacieuses, telle l’Union Minière belge, qui avait signé une entente avec la GECAMINES en 1996, attendent de voir clair dans la situation politique de la RDC. Cette société belge associée à l’AAC pour l’exploitation d’une mine de cobalt et de cuivre à Kasomba, ainsi qu’une autre à Kolwezi, est très prudente, mais heureusement pour elle, sa mise initiale serait déjà récupérée si l’on en croit son Président du Conseil Etienne DAVIGNON.

La compagnie canadienne d’Adolf LUNDIN pousse l’audace assez loin et concurrence les grandes compagnies sur le terrain; elle s’est cependant associée à une firme de sécurité, l’International Defense and Security (IDAS) reconnue au Danemark et aux Antilles, et qui a remplacé en Angola l’Exécutive Outcome, une agence de sécurité sud-africaine, qui fut donc obligée de quitter ce pays. Cette Société Exécutive Outcome a été citée lors de l’attaque et le démantèlement des camps des réfugiés à l’est du Zaïre en 1996, pour avoir bombardé ces camps et les colonnes de réfugiés.

Le gouvernement de l’Angola a octroyé à IDAS des contrats pour assurer la sécurité, mais aussi l’exploitation de quelques mines angolaises en échange de ses services, pour faire face à l’UNITA de Jonas SAVIMBI. Et à son tour IDAS a chargé l’AMFI d’exploiter ces mines à sa place.

Les analystes doutent que American Mineral Fields ait les capacités d’exploiter les gisements dont elle a «obtenue» la concession et croient qu’elle pourrait passer les contrats à des compagnies plus importantes et plus spécialisées, en se faisant payer les risques déjà encourus (à moins bien sûr qu’elle ne se développe). C’est pourquoi l’AMFI a invité le 10 mai 1997 (une semaine avant que l’AFDL n’entre dans Kinshasa) des groupes financiers américains et canadiens à visiter ses installations, histoire de montrer les possibilités d’affaires au Congo ex-Zaïre, ainsi que l’ouverture des dirigeants de l’AFDL à l’égard des investisseurs étrangers.

La redistribution des concessions des différents sites miniers du nouveau Congo démocratique à des entreprises américaines, canadiennes et sud-africaines devait permettre à Kabila d’honorer ses traites à court terme et de payer les charges quotidiennes de son appareil politico-administratif.

LE ROLE DE L’AMFI

Dans la guerre qui se déroule en RDC depuis l’automne 1996, le rôle de l’AMFI a connu des développements inattendus. Le 2 août 1998, l’aile rwandaise de l’AFDL se rebelle contre le Président Kabila et de ce fait le Congo est à nouveau sollicité suivant les deux pôles classiques: à l’Est, les rebelles appuyés par les rwandais, les burundais et les ougandais, avec comme principal pourvoyeur de fonds l’AMFI, et à l’Ouest, les gouvernementaux aidés officiellement par trois pays: le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie.

Inconscient, entre les mains des nouveaux maîtres qui tentaient d’ériger un Nouvel Ordre au Congo, Laurent Désiré Kabila s’était trompé de guerre et d’objectif. Après la victoire de l’AFDL il est devenu prisonnier des Tutsis rwandais, ougandais et burundais qu’il avait nommé à des postes clé. Il était aussi l’otage militaire des troupes rwandaises solidement installées à Kinshasa et dans l’Est et soutenues par l’AMFI. Le président congolais s’était donc livré aux dirigeants de l’AMFI, ses futurs meurtriers, avec qui en avril 1997 il avait signé un accord de cession de la Gécamines.

Cet accord de cession du géant de l’économie congolaise permettait à l’AMFI d’accélérer l’exécution de l’un de ses objectifs: le démembrement du pays et sa partition en de micros états antagonistes, démunis de moyens financiers et d’infrastructures économiques (sorte de balkanisation). Ne possédant pas d’armée, ces Etats en proie à l’insécurité seraient donc placés sous la dépendance totale de l’AMFI par la main mise sur les secteurs stratégiques de l’économie.

Le plan de l’American Mineral Fields Incorporated (AMFI) ne s’est pas déroulé conformément à ses prévisions. Laurent Désire Kabila viole d’abord les accords passés en septembre-octobre 1996 avec ses anciens alliés Museveni, Kagame et Buyoya. Ces accords concernaient le prix à payer par le Congo pour l’aide apportée dans la guerre de libération, et le problème de la sécurité aux frontières des quatre pays.

D’après les termes du pacte conclu, la révision du tracé des frontières en faveur du Rwanda et de l’Ouganda devait satisfaire simultanément ces deux pays, mais également les desseins géostratégiques de l’AMFI en plein accord avec les ambitions territoriales des régimes mono-éthniques et minoritaires en place à Kigali, Kampala et Bujumbura. D’où l’éclatement de la crise lorsque L.D.Kabila renvoie brutalement le contingent militaire rwandais présent au Congo-Kinshasa.

L’étincelle qui a mis le feu aux poudres entre les rwandais et Kabila n’est pas due uniquement au comportement barbare des militaires rwandais du FPR mais aussi à la remise en cause des contrats signés avec le consortium Americano-canadien AMFI au profit de l’AAC d’Afrique du Sud. L’autre élément qui a contrarié les projets de l’AMFI en RDC serait due à la dénonciation du contrat de privatisation de la Gécamines que la société avait négocié en avril 1997 avec les nouvelles autorités congolaises de l’AFDL.

L’entente entre les dirigeants de l’AMFI, et MM. Museveni, Kagame, Buyoya et Kabila remontait à une période antérieure à 1995, année de la création d’AMFI. La coopération entre l’un des dirigeants de cette entreprise (Jean Raymond BOULLE) et le tandem Museveni-Kagame, pourrait même avoir précédé le double assassinat des Présidents rwandais Habyarimana et burundais Ntaryamira, abattus, dans le jet présidentiel dans la nuit du 6 avril 1994. Un tel « exploit » a nécessité des moyens techniques et des assurances politiques, notamment en matière de télécommunication de pointe, d’acquisition de missiles, d’indispensables complicités diplomatiques, ainsi que l’impérieuse complaisance des instances judiciaires internationales après le forfait; moyens et assurances que seule l’AMFI pouvait mettre à la disposition des meurtriers.

On peut ainsi raisonnablement estimer que lorsqu’en 1995 l’AMFI est officiellement créée, tous les plans concernant le Congo et les autres pays des Grands Lacs, sont déjà prêts, la stratégie arrêtée, les moyens financiers, logistiques et militaires mobilisés, le soutien des USA et la complaisance diplomatique des puissances occidentales, garantis.

La France, qui suivra les USA et appuiera ses actions dans la région des Grands Lacs, ne comprendra que plus tard, c’est-à-dire trop tard, le double jeu des américains, orchestré par l’AMFI dans cette partie du continent noir.

Cette entente a continué pendant la guerre de libération jusqu’en mai 1997. Aujourd’hui, alors que Kabila se bat contre elle, l’AMFI continue de tenir le même rôle. Museveni et Kagamé connaissent parfaitement les véritables desseins que nourrit l’AMFI pour le Congo et la Région des Grands Lacs, ils savent également la place qui leur est assignée, la nature de la cause qu’ils défendent ainsi que le rôle qui a été attribué à Kabila. Les objectifs convergents poursuivis par la société américaine et ses partenaires rwando-ougando-burundais, s’opposent aux intérêts de Kabila, de la RDC et du peuple congolais.

La guerre du Zaïre (comme celle du Rwanda en 1990) fut présentée comme une guerre interne de libération politique pour destituer le Maréchal Mobutu. L’AMFI apporta un appui financier, militaire et logistique déterminant aux organisations coalisées au sein de l’AFDL. Aujourd’hui, les armes, les munitions, les équipements militaires sophistiqués qui ont permis à l’AFDL de remporter la victoire sur les Forces Armées Zaïroises, continuent d’être mis à la disposition du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi par la même société AMFI, dans la guerre que ces trois pays mènent au Congo.

Le Congo est donc confronté à une remise en cause globale de son existence même:

– Dans son intégrité territoriale, par toutes les forces « visibles et invisibles » qui l’ont agressé depuis 1996, à partir du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda, et qui remettent en cause les frontières héritées de la colonisation.

– En tant qu’entité politique, par la remise en question de l’état et de la société.

– En tant que membre de l’ONU, parce que cette Organisation Mondiale ne condamne pas fermement les trois pays agresseurs, ne leur ordonne pas de rentrer chez eux et ne prend aucune sanction contre eux.

– Par la mise en cause de son identité nationale et culturelle.

– Par la destruction des infrastructures économiques et sociales.

– En bafouant la dignité et la vie des différents peuples qui le composent,

– Par la guerre, la famine, les maladies, les massacres et les crimes contre l’humanité imposés et commis par les agresseurs.

LES NOUVEAUX ALLIES DE KABILA

L’Ouest, le Sud et le Sud-Ouest, soit 45% du territoire congolais sont encore sous contrôle des gouvernementaux, aidés officiellement par: le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie.

Pour des raisons d’alliance et de paiement de la facture de guerre estimée à plus de 45 M $ US, Kabila avait signé une entente entre la « GECAMINES » et la compagnie zimbabwéenne Ridgepointe Overseas Developements of British Virgins Islands de la famille RAUTENBACH. Ce dernier a de très bonnes relations avec le Président Mugabe qui, par le fait même, se sent proche des riches réserves de cobalt du Katanga. Cela garantit et justifie la présence des militaires zimbabwéens en RDC, aux côtés de Kabila.

Billy RAUTENBACH directeur de ce groupe zimbabwéen Ridgepointe, dirige actuellement le comité de redressement de la GECAMINES; cela confirme l’engagement farouche du Zimbabwe dans la résistance de la RDC à la guerre menée par les troupes ougandaises, rwandaises et burundaises et leurs collaborateurs congolais

Kabila n’est pas resté ingrat non plus envers l’Angola d’Eduardo Dos Santos: le marché actuel du carburant à Kinshasa est investi par les produits pétroliers en provenance de l’Angola. Chaque année, le marché kinois absorbe environ 600.000 m³ de carburant. Depuis la visite du Président congolais à Luanda au début de l’année 1998, 24.000 m³ de produits pétroliers débarquent tous les mois au Congo-Kinshasa. Depuis lors, les deux nouvelles sociétés GIP et PANACHE jouissent d’avantages énormes (exonération fiscale notamment) .

L’OR DE LA PROVINCE ORIENTALE

Comme pour le cobalt, le cuivre et ses associés, l’or de la RDC est exploité aussi par des transnationales minières. En effet, l’industrie mondiale de l’or est également en pleine transformation. Les petites compagnies ont fusionné pour concurrencer les grandes et particulièrement l’Anglo American Corporation (AAC) d’Afrique du Sud, première productrice d’or au monde. Ce mouvement a profité aux sociétés de moyenne envergure qui ont acheté les plus petites.

Les 49 premières compagnies en importance (AAC non comprise) contrôlaient en 1995, 56% de la production mondiale contre 37% en 1984.

Les tractations actuelles autour de l’or ne peuvent se faire sans tenir compte de l’Afrique du Sud qui en est le premier producteur au monde. En effet, malgré la baisse de sa production, l’AAC fournissait en 1995, 350 tonnes d’or sur le marché mondial; sa rivale la plus proche, la Barrick Gold Corporation du Canada, n’en fournissait que 97 tonnes. Mais, l’exploitation de l’or en Afrique du Sud date de plus d’un siècle, les 2/3 de ses réserves sont déjà exploitées et le dernier 1/3 fait partie des réserves dont le coût de revient est devenu trop élevé à cause principalement de la profondeur des mines. L’AAC doit donc trouver d’autres gisements.

Depuis longtemps déjà d’importants groupes se disputent les concessions d’or dans la province orientale de la RDC. C’est pourquoi, cette partie a toujours été un domaine stratégique dans toutes les guerres et conquêtes de la région de l’Est du Grand Congo. Le monopole par le pouvoir public de l’Office d’Or de Kilomoto (OKIMO) sur une superficie de 82.000 km², avec des réserves évaluées à 100 tonnes, n’a jamais cessé d’irriter les grandes transnationales minières; surtout lorsqu’on sait combien la gestion des dirigeants congolais a toujours laissé à désirer. En août 1996 sous le régime Mobutu, l’OKIMO avait déjà cédé son monopole à la Barrick Gold Corporation (BGC) qui espèrait en tirer l’entièreté de la réserve. Un autre consortium canado-belge, la Mindev, avait reçu dans le même secteur, une petite concession de 2000 km².

Cette passation du monopole de l’OKIMO à la BGC a une signification importante (dans le monde des transnationales minières): on trouve en effet dans cette transaction un « Conseil » d’hommes avisés, dont Georges BUSH, ancien Président des Etats-Unis (deux de ses fils sont actuellement sénateurs et l’un d’eux brigue le mandat présidentiel de l’an 2000). Les autres ne sont pas des moindres: Brian MULRONEY, ancien Premier ministre du Canada, Paul DESMARAIS, Président de la société canadienne Power Corporation, Karl OTTO PÖL, ancien Directeur de la Banque Centrale d’Allemagne et Peter MUNK qui avait dû quitter le Canada à la fin des années 1960 suite au krach boursier de sa compagnie Clairtone Sound, dont il fut rendu responsable.

Ainsi donc, l’AMFI se situe au-dessus des traditionnels clivages politiques américains entre démocrates et républicains, et englobe des dirigeants d’entreprises de différentes sensibilités. Cette situation donne une idée de la puissance colossale, à la fois économique, financière et politique de l’AMFI.

Face aux autres entreprises concurrentes participant au marché et à la construction de la future station orbitale, les firmes industrielles américaines se camouflent derrière ce lobby et disposent ainsi des matières premières stratégiques à vil prix, puisque dans l’hypothèse d’un succès de leur plan et de leur guerre au Congo-Kinshasa par armées tutsies interposées, elles disposeraient souverainement de ces richesses minières. Il en fut déjà ainsi du projet Manhattan pour la fabrication des deux premières bombes atomiques américaines lâchées au-dessus des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki, puisque l’uranium provenait du Katanga de la mine de Shinkolobwé (près de Likasi ex-Jadotville) et tant que remboursement de la « dette de guerre » de la Belgique vis-à-vis des USA.

Il n’est pas étonnant qu’avec de tels personnages, la Barrick Gold Corporation soit aujourd’hui le deuxième producteur d’or au monde, après ses importantes acquisitions en Amérique, en Asie et en Afrique. Cette compagnie n’acquiert que des gisements dont la prospection est déjà faite par d’autres, avec des réserves d’or d’au moins 60 tonnes, et a pour objectif de réduire au maximum ses coûts de production. Elle est très fière de maintenir ces coûts au niveau le plus bas, soit 180 à 183 $ US l’once, alors que pour les autres entreprises ce coût est de 270 $ US l’once.

Pour augmenter les bénéfices de ses actionnaires, elle envisage d’encore diminuer ces frais de 10%. Il serait surprenant dans ces conditions que cette compagnie fasse quelque chose de significatif pour le développement de la province orientale de la RDC.

Pour minimiser ses frais, la Barrick exploiterait les gisements de cette Province Orientale par l’entremise de la firme Caled International, appartenant au demi-frère du président ougandais Museveni, le général-major Salim Saleh1, qui à l’époque où les relations entre les deux chefs d’état de RDC et d’Ouganda étaient encore au beau fixe, fit connaître à Kabila son désir d’exploiter un gisement à l’Est du Congo.

L’OR ET L’ETAIN DU KIVU-MANIEMA

Au Kivu-Maniema, avec des réserves évaluées à 150 tonnes, l’or des orpailleurs à Kamituga où ailleurs sert à financer principalement l’effort de guerre des « rebelles » qui occupent l’Est de la RDC. La concession de Kamituga est envahie depuis de nombreuses années par des « creuseurs » qui « ré exploitent » les anciennes exploitations de la Société SOMINKI productrice d’or et d’étain au temps de Mobutu.

COMMENT BANRO RESSOURCES CORPORATION, UNE COMPAGNIE CANADIENNE ACQUIERE SOMINKI

SOMINKI, SARL, de droit zaïrois, résultait d’un accord de fusion en 1976 de plusieurs Sociétés minières dont les origines remontent à l’époque coloniale belge, dont 72 % du capital appartenaient à un actionnariat privé et 28 % à l’Etat zaïrois. La composition de l’actionnariat privé a varié au fil des années mais a été constituée, jusqu’en 1995, à plus de 99 % de filiales offshores du Groupe Empain, puis du Groupe Scheider.

Sominki a été prospère jusqu’en 1985. La crise de l’étain (à partir d’octobre 1985) a nécessité une vaste restructuration pour « survivre » et qui s’est poursuivie d’années en années: fermetures des chantiers les plus mécanisés, réduction des effectifs d’encadrement nationaux et expatriés, licenciements et mise en chômage technique d’une grande partie de la main-d’œuvre, reconversion d’exploitations industrielles en exploitations artisanales « encadrées »…

Faute de renouvellement des équipements et du fait de l’épuisement des gisements « connus », la production s’est amenuisée au fil des années.

A partir de 1989, la Société a cherché un « acquéreur » faisant miroiter comme principal attrait le gisement d’or de TWANGITZA, inexploité, mais qui nécessite de très gros investissements (au minimum 50 Millions de dollars US).

La situation politique du Zaïre et l’effondrement des infrastructures du pays ont fait que tous les candidats se sont désistés jusqu’en 1994.

Certains d’entre eux étaient bien intéressés par le gisement de TWANGITZA, mais tous étaient rebutés par le fait que la reprise de SOMINKI était un « tout » incluant bien entendu les concessions d’étain dont le cours restait déprimé et dont les gisements « visibles » étaient en voie d’épuisement.

Fin 1994 (donc après la prise du pouvoir au Rwanda voisin par le FPR), Algy CLUFF, Président de CLUFF Mining LTD,s’est montré intéressé par une reprise éventuelle de SOMINKI. Le 5 septembre 1994, il acquit, au travers de sa filiale MINES D’OR DU ZAIRE (MDDZ), créée à cet effet, 7,65 % des actions de Sominki, et prit une option de quelques mois sur le solde des actions détenues par l’actionnariat privé (regroupé dans DARNAY).

CLUFF n’ayant pas estimé utile de renouveler l’option (il semblerait qu’il ait cru à cette époque qu’il ne pouvait y avoir d’autres candidats), une autre Société, la Canadienne BANRO, au travers de sa filiales African Mineral Resource (AMR) s’est manifestée pour l’acquisition de SOMINKI et a pris, en septembre 1995 (année de la fondation de l’AMFI), une option lui permettant d’acquérir avant le 31 janvier 1996, les actions DARNAY (64,02% du total), pour un montant de 3 500 000 $US. A cet effet, BANRO a versé un acompte de 125 000 $ US.

BANRO, par sa filiale AMR, voulait réaliser cette opération seul, n’ayant pas obtenu le financement nécessaire, s’est alors tourné vers CLUFF en vue de la constitution d’un joint-venture en lui faisant valoir le rapport élogieux du consultant d’une société d’exploration géologique (CME) qu’il avait commandité à cet effet (mission CME dans les mines de SOMINKI du 26 octobre 1995 au 17 novembre 1995 faite à la demande de BANRO).

Aux termes des accords passés entre CLUFF (MDDZ) et BANRO (AMR), CLUFF fournit la totalité de 3.375.000 $US nécessaires au rachat des actions DARNAY dans SOMINKI aux conditions suivantes:

  • CLUFF (MDDZ) avait la gestion effective de la SOMINKI et de ses opérations

  • CLUFF avait droit aux bénéfices afférents à la commercialisation des produits autres que l’or (en d’autres termes: la commercialisation de la cassitérite et ses accompagnateurs dont le coltan)

  • CLUFF était en droit de nommer la majorité du Conseil d’Administration

  • CLUFF et BANRO (via leurs filiales respectives MDDZ et AMR) détiendraient en parts égales le nombre d’actions de l’actionnariat privé de SOMINKI (chacun 36%, le reste de 28% représentant les parts de l’Etat zaïrois)

  • AMR prêtait 1.000.000 $US à SOMINKI sur une période de 6 mois afin de permettre à BANRO de faire face à sa part d’obligations financières quant aux frais d’exploitations de SOMINKI.

C’est ainsi que le 31 janvier 1996, SOMINKI a été reprise par un nouvel actionnariat privé composé initialement pour 50% par le groupe canadien BANRO(au travers de AMR) et pour 50% par le groupe anglais Cluff Mining Ltd.

Par la suite, BANRO, intéressé uniquement par la mise en valeur des gisements aurifères de la société, évinçât Cluff du contrôle de SOMINKI, suite à d’habiles manœuvres de MM. Arnold KONDRAT, FIOCCHI et Patrick MITCHELL.

Cluff Mining Ltd cédât la totalité de ses parts dans SOMINKI à BANRO et reçut, en contrepartie, 20% des actions de la Société BANRO après que cette dernière ait procédé à une augmentation de capital par émissions d’actions nouvelles à la Bourse de TORONTO. CLUFF qui avait financé la presque totalité de la reprise de SOMINKI à DARNAY s’est retrouvé quasi sans plus rien à dire.

Le vrai des dirigeants de BANRO était de faire doper son cours en Bourse, moyennant une publicité bien orchestrée sur les potentialités de SAKIMA, société crée sur les fondements de SOMINKI, pour la monnayer ensuite auprès d’un groupe minier plus important c(le processus en est expliqué dans un article du journal « Le Soir » du 30 mai 1997).

Huit mois après avoir apporté son soutient financier à une compagnie inconnue, Cluff s’est retrouvé simple actionnaire de cette société sans plus rien à dire dans SOMINKI. Voici comment :

1er temps, de février 1996 à juin 1996:

Cluff s’attèle prudemment à l’analyse des structures de SOMINKI et à la création d’une équipe d’assistance (envoi de missions sur place). Une liste d’investissements en matériels neufs destinés à relancer les exploitations d’étain, pour un montant total de 1.000.000 $US est acceptée par Cluff (en deux tranches de 500.000 $US).

BANRO multiplie les communiqués de presse, se félicitant du joint-venture et de l’avenir des concessions de SOMINKI mais commandite de son côté un projet de développement à son consultant CME (à l’insu de Cluff) pour le gisement de Twangitza.

En juin, BANRO amène une équipe de financiers visiter les mines et plus particulièrement les gisements « prometteurs » de Twangitza, Namoya, Kamituga et Lugushwa agrémentés des commentaires élogieux des géologues de CME.

Durant cette période un projet de convention minière pour la nouvelle société à créer (SAKIMA) est élaboré à Kinshasa par le cabinet Mitchell assisté de Fiocchi.

2éme temps, de juin 1996 à septembre 1996

BANRO accuse Cluff d’immobilisme et lui reproche ses retards dans la mise en place d’un programme de développement.

BANRO assigne CLUFF en justice à Londres pour non-respect de l’accord passé entre eux. Dans le même temps Fiocchi et Mitchell mettent en exergue auprès des administrateurs zaïrois et auprès du Directeur Général de SOMINKI, les « lacunes » de CLUFF et son « immobilisme ».

Un Conseil d’Administration se tient le 10 Août 1996 à Kinshasa, avec pour but de démontrer que CLUFF n’a pas rempli ses obligations et de proposer l’adoption, sans tarder, du plan de développement élaboré par CME à l’instigation de BANRO. Au cours de ce Conseil, particulièrement houleux, Algy CLUFF se défendit remarquablement bien et exposât sa version des faits. Il se dit prêt à soumettre un contre-projet endéans les 6 semaines. L’administrateur zaïrois Thambwe Mwamba suggéra d’accorder ce délai à Cluff car avait-il-dit: « si le Conseil d’Administration adoptait le projet CME sans avoir comparé avec la contre-proposition de CLUFF, l’Etat zaïrois pourrait ne pas suivre cette décision ». Le Conseil d’Administration accepta cette suggestion par consensus, sans vote, au grand mécontentement de MM.Kondrat, Mitchell et Fiocchi.

3ème temps, le 21 septembre 1996 :

CLUFF fit parvenir un contre-projet aux administrateurs quelques jours avant la tenue du Conseil d’Administration du 21 septembre 1996.

Il n’y a pas eu de débat sur les qualités respectives des deux projets: une demi-heure avant la tenue du Conseil, MM Cluff et Kondrat ont conclu un accord et en ont fait part au conseil. Par cet accord, Cluff abandonnait ses parts de SOMINKI à BANRO et recevait en contrepartie des parts dans BANRO.

Au cours de ce Conseil d’Administration, le Directeur Général de SOMINKI avait tenu à faire part de ses inquiétudes au sujet de l’avenir des exploitations d’étain et avait critiqué, la politique imposée par Fiocchi au cours des trois années précédentes de favoriser systématiquement les exploitations d’or au détriment de celles de cassitérite.

Si Algy Cluff avait préféré l’arrangement qui lui avait été soumis par Arnold Kondrat, c’est parce qu’il pressentait que les administrateurs avaient été gagnés à la cause de BANRO.

Dans les accords entre MM. Algy Cluff et Arnold Kandrat de janvier 1995, pour concrétiser que CLUFF avait la gestion effective de SOMINKI et de ses opérations, il avait été prévu que le nombre d’Administrateurs représentant l’actionnariat privé soit désigné de telle sorte que CLUFF soit toujours représenté par au moins un Administrateur de plus que BANRO. Cluff devrait toujours avoir la majorité au Conseil.

Comment Cluff s’était retrouvé en minorité alors que les accords Cluff & Kondrat (MDDZ & AMR) prévoyait que CLUFF disposerait de la majorité au Conseil d’Administration :

Lors du renouvellement des mandats d’Administrateurs en mars 1996, le Conseil d’Administration fit passer le nombre d’Administrateurs de six à dix membres. Les six Administrateurs antérieurs étaient maintenus, deux étaient nommés par l’Etat zaïrois: MM. MUBAKE et Beya KASONGA, deux faisaient partie de la Direction locale: MM. Mario FIOCCHI et Serge LAMMENS et deux personnalités politiques, originaires du Kivu-Maniema: MM. Thambwe et Kititwa étaient maintenus. Quant aux quatre nouveaux mandats: deux furent nommés par Algy Cluff (lui-même et M. Luc Smets), un fut nommé par BANRO (Arnold Kondrat lui-même), tandis que le dernier, M. Patrick Mitchell, fut subtilement présenté comme « conseiller juridique » de SOMINKI.

Toute l’astuce de Mario FIOCCHI et Arnold KONDRAT fut de présenter Patrick MITCHELL comme quelqu’un d’indépendant, n’ayant rien à voir avec BANRO.

A partir de ce moment il n’était guère difficile de gagner à leur cause les Administrateurs zaïrois, d’autant plus facilement que Beya était depuis longtemps un des copains de Mitchell.

Mitchell fut régulièrement présenté comme conseiller juridique de SOMINKI indépendant de BANRO, alors que tout le montage de la cession des actions DARNAY à BANRO, fut concocté entre Mitchell, Fiocchi et Kondrat notamment en novembre 1995, au cours d’une de leurs rencontres à Kinshasa. Avant cette date, SOMINKI n’avait jamais eu à traiter avec Patrick Mitchell ! En quoi pouvait-il se prévaloir d’être le « conseiller juridique » de SOMINKI lors du rachat de celle-ci pat BANRO et CLUFF en janvier 1996 ?

Voici comment Cluff après avoir fourni 96% des fonds nécessaires au rachat de SOMINKI ,s’est retrouvé »piégé », actionnaire minoritaire avec 20% des parts d’une société (BANRO) qui a procédé à une augmentation de capital à grand renfort de publicité, n’osant plus intervenir contre ceux-là même qui l’on floué, dans l’espoir de récupérer un jour sa mise.

LA CREATION DE SAKIMA

Le projet de Convention Minière de la Société Aurifère du Kivu-Maniema (SAKIMA) fut introduit auprès du Ministère des Mines le 23 octobre 1996 (Après le début de la guerre dans l’Est du Zaïre). Cette Convention a été approuvée par le Gouvernement zaïrois le 13 février 1997.

Cette était avantageuse à BANRO, la part de L’Etat passait de 28% dans l’ex-SOMINKI à 7% dans la SAKIMA destinée à se substituer à elle. Le système de gestion de l’Etat zaïrois ayant été caractérisé par la corruption, le népotisme et tant d’autres maux économiques, il est inutile de préciser que son approbation avait nécessité de nombreuses interventions de la part de Mario FIOCCHI et Patrick MITCHELL auprès de différents ministres.

L’Assemblée Générale Extraordinaire du 29 mars 1997 approuvait la dissolution et la mise en liquidation de la SOMINKI à dater du 31 mars 1997.

La création de SAKIMA fut officiellement autorisée par le décret n°0035 du 6 mai 1997 du Premier Ministre, le Général d’armée LIKULYA BOLONGO LINGBANGI, à dix jours de la chute de Kinshasa. Entre-temps, Patrick MITCHELL, agissant pour le compte de BANRO, avait obtenu de KABILA, à Kigali, fin avril 1997, une déclaration que toutes les conventions minières seraient respectées !

LA FIN DE SOMINKI

La guerre de « libération » a commencé dans l’Est du Zaïre en octobre 1996. Les installations de Kamituga et de Lugushwa furent complètement pillées avec destruction de l’outil de production, fin novembre 1996, après le décrochage des FAZ, plusieurs jours avant l’arrivée de l’AFDL.

Sur instruction de Mario Fiocchi, Administrateur Délégué, basé à Kinshasa, et de Banro, les quatre derniers agents expatriés oeuvrant dans les mines, dont le Directeur Général, quittèrent Kalima, siège de la Direction Générale et centre logistique des exploitations stannifères, le 20 février 1997 pour Kinshasa.

Dans un premier temps, la Direction Générale aurait refusé de quitter Kalima, estimant que son devoir était de rester sur place. Au bout de trois jours de discussions par la phonie et par téléphone satellitaire, Fiocchi ayant fait savoir aux expatriés que s’ils ne s’exécutaient pas, ce serait à leurs risques et périls, qu’ils ne seraient pas payés, et surtout pas couverts en cas d’accident, le staff de Kalima finit par accepter après avoir pris toutes leurs dispositions pour assurer la continuité du service.

Officiellement, ils étaient sensés diriger les mines à partir de Kinshasa en attendant la normalisation de la situation, mais si Fiocchi fit venir le staff dirigeant à Kinshasa, ce fut dans l’espoir d’un pillage de Kalima par les FAZ et la population avant l’arrivée de l’AFDL, de façon à pouvoir invoquer plus tard la clause de force majeure pour l’ensemble du personnel (licenciement sans préavis pour cause de force majeure) et pouvoir justifier l’abandon des exploitations de cassitérite.

De cette façon, la nouvelle Société SAKIMA, pas du tout intéressée par les mines d’étain, difficiles à rentabiliser, pouvait s’en débarrasser à bon compte et les travaux de mise en valeur des gisements aurifères, à commencer part Twangitza, pouvaient démarrer quasi sans frais de personnel dans sa première phase (tout en espérant, bien entendu, récupérer les stocks de minerais d’étain en attente d’expédition et accumulés au cours des derniers mois !). Le staff de Kalima aurait été indigné par cette façon de faire moralement inacceptable, et n’acceptât pas d’avoir ainsi été dupé et manipulé.

Mario FIOCCHI se serait montré contrarié par les dispositions prises par les responsables techniques de la SOMINKI pour prévenir ou du moins diminuer les risques de pillages et de destruction de l’outil de production, ainsi que par les dispositions prises pour poursuivre l’activité en l’absence de la Direction.

Kalima fut prise par l’AFDL le 23 février 1997, sans combat et sans qu’il y ait eu pillage lors du décrochage des FAZ. Le samedi 29 mars 1997, Après la tenue du Conseil d’Administration et de l’Assemblée Générale des Actionnaires, certains expatriés furent licenciés le 31 mars 1997.

LES DEBUTS DE SAKIMA

Après la prise du pouvoir par Kabila, BANRO entama effectivement des gros travaux d’exploration minière sur le site de TWANGITZA. Dans le même temps  » SOMINKI en liquidation » ne réglait pas ce qui était dû au personnel ou aux anciens fournisseurs. SAKIMA, elle, prétendait ne pas avoir d’obligations vis à vis du personnel, ni vis à vis des anciens fournisseurs et rompit unilatéralement le contrat de fourniture des produits stannifères que SOMINKI avait avec SOGEM. S’ensuivent diverses plaintes contre « SOMINKI en liquidation » et SAKIMA.

Dans un premier temps, SAKIMA bénéficia du soutient ou du moins de la compréhension du Ministre des Mines. Après remaniement du gouvernement congolais, début 1998, SAKIMA et BANRO n’ont plus bénéficié des mêmes oreilles complaisantes.

N’étant pas parvenu à se défaire des exploitations d’étains et de son personnel par des moyens légaux, « SOMINKI en liquidation » confia celles-ci, par amodiation, à Victor Prigogyne NGEZAYO KAMBALE au travers d’une Société Ressources Minérales Africaines (RMA), mais cet acte fut entaché de plusieurs irrégularités :

  • « SOMINKI en liquidation » n’avait pas le droit de céder les actifs des exploitations d’étain et son personnel à RMA, puisque ces actifs et ce personnel avaient déjà été repris par SAKIMA.

  • BANRO, actionnaire principal de SOMINKI et de SAKIMA, ne pouvait céder les concessions d’étain à RMA née de l’association de Patrick MITCHELL et Victor Prigogyne NGEZAYO KAMBALE et d’autres dont BANRO !

  • BANRO ne pouvait être à la fois amodiant et amodiataire. Il s’agit d’un contrat avec soi-même !

  • Tout contrat d’amodiation doit avoir l’autorisation express du Ministre des Mines, ce qui ne fut pas le cas.

Victor Prigogyne NGEZAYO KAMBALE qui comme l’ancien Premier ministre zaïrois Léon Kengo wa Dondo a des ascendances rwandaises (Tutsi) ce dernier doit certainement être dans le secret des derniers contrats des internationales minières avec les derniers gouvernements de Mobutu, particulièrement ceux signés avec l’AAC en janvier 1996.

RMA prétendait, elle aussi, ne rien avoir avec SOMINKI, d’où le conflit avec le personnel qui réclamait les salaires impayés depuis février 1997 et les préavis dus.

Au cours du premier semestre 1998 les doléances à l’encontre de SAKIMA, de « SOMINKI en liquidation » et de RMA (Ngezayo) se sont accumulées et le 31 juillet 1998, deux jours avant le déclenchement de la « rébellion » contre Kabila, par décret présidentiel, l’Etat congolais déchut BANRO de tous ses titres miniers, pour  » irrégularités dans la liquidation de SOMINKI et dans LA création de SAKIMA ».

BANRO réagit en déposant une plainte auprès du Tribunal International de Washington et réclamerait à la RDC un MILLIARD de dollars US de dommage et intérêts …

Le problème est que si la déchéance des titres miniers est une sanction qui est bien prévue dans la loi minière congolaise pour irrégularités graves, elle doit être précédée d’une notification reprenant les irrégularités reprochées et donnant un délai de six mois pour se mettre en règle. Le gouvernement de Kabila avait pou le moins agit avec précipitation.

Par ailleurs, le fait que BANRO ait été déchu de ses titres miniers, n’a pas résolu pour autant, bien au contraire, le problème du paiement des indemnités dues au personnel…

A l’instar de Jean-Raymond BOULLE, Victor Prigogyne NGEZAYO est un des personnages troubles de tous les conflits des dernières décennies dans la Région des Grands Lacs. Depuis son enfance il a évolué et prospéré dans le trafic du café au Kivu, pour atteindre son apogée dans les années 1970. Il est aussi devenu le premier « zaïrois » fortuné grâce au café, c’est un des bailleurs de fonds des rebelles de tous temps. Comme ses amis Kagame au Rwanda, Museveni en Ouganda et Buyoya au Burundi il a la grande ambition d’être l’homme fort du Kivu.

Les assassinats, en moins de trois trimestres, de trois Présidents hutus, Habyarimana du Rwanda, Ndadaye et Ntaryamira du Burundi, seraient liés entre autre au fait que dans l’exercice de leurs fonctions, ils voulaient voir un peu plus clair dans le trafic des pierres précieuses de cette Région dont Bujumbura et Kigali étaient des plaques tournantes.

Le Kivu-Maniema tombent toujours très vite entre les mains des agresseurs chaque fois qu’il y a des « rébellions »: il est tellement facile de « ramasser » l’or et l’étain dans cette région. Cela fut également une « aubaine » pour les rwandais de Kagame lors du démantèlement des camps et du massacre des réfugiés à l’Est du Zaïre en 1996, qui s’est prolongé jusqu’à la chute de Mobutu en mai 1997. Les armées mono-ethniques du Rwanda, d’Ouganda, et du Burundi qui menaient cette guerre contre les soldats de l’ex-Zaïre, tout en poursuivant et exterminant les réfugiés hutus, ont pillé les banques et les mines de la région. Les dirigeants de ces armées sont devenus les « grands » hommes de l’Afrique et les partenaires des internationales minières qui à leur tour financent les « rébellions ».

Les stocks de minerais qui se trouvaient dans les mines furent évacués par les militaires rwandais du FPR par avions Antonov entiers sur Kigali comme butin de guerre. Ce sont aussi les tonnages de colombo-tantalites (minerais de niobium et de tantale) qui sont amassés sur les plaines de Punia ou d’ailleurs dans la région occupée et qui sont évacués, directement sur Kigali dans les anciennes installations de la Société Minière du Rwanda (SOMIRWA).

UN MESSAGE DE NOËL 1999 DE MGR KATALIKO DE BUKAVU :

Dans son message de Noël 1999 aux fidèles de Bukavu, Mgr KATALIKO a dit : « Notre vie quotidienne est loin de la joie et de la liberté. Nous sommes écrasés par une oppression de domination. Des pouvoirs étrangers, avec la collaboration de certains de nos frères congolais, organisent des guerres avec les ressources de notre pays. Ces ressources, qui devraient être utilisés pour notre développement, pour l’éducation de nos enfants, pour guérir nos malades, bref pour que nous puissions vivre d’une façon plus humaine, servent à nous tuer. Plus encore, notre pays et nous-même, nous sommes devenus objet d’exploitation. Tout ce qui a de la valeur est pillé, saccagé et amené à l’étranger ou simplement détruit. Les impôts collectés, qui devraient être investis pour le bien commun, sont détournés. Des taxes exorbitantes n’étranglent pas seulement le grand commerce et l’industrie, mais aussi la maman qui vit de son petit commerce. Tout cet argent prélevé sur nous, provenant de nos productions, et déposé à la banque, est directement prélevé par une petite élite venue d’on ne sait d’où. Même notre personne humaine n’échappe pas à cette exploitation oppressive : tous ceux qui travaillent dans un service public ne reçoivent pas leur salaire, malgré qu’ils apportent des richesses avec leur labeur. Cette exploitation est soutenue par une stratégie de terreur qui entretient l’insécurité. Notre Eglise institutionnelle elle-même n’est pas épargnée. Des paroisses, des presbytères, des couvents ont été saccagés. Des prêtres, des religieux, des religieuses sont frappés, torturés et même tués parce que, par leur mode de vie, ils dénoncent l’injustice flagrante dans laquelle est plongé le peuple, condamnent la guerre et prônent la réconciliation, le pardon et la non-violence. Inutile de dire qu’à notre connaissance, aucune enquête sérieuse n’a été menée jusqu’à présent pour chercher les coupables et les punir. La déchéance morale a atteint un niveau si aberrant auprès de certains de nos compatriotes qu’ils n’hésitent pas à livrer leur frère pour un billet de dix ou vingt dollars…C’est au prix de nos souffrances et de nos prières que nous mènerons le combat de la liberté, que nous amènerons également nos oppresseurs à la raison et à leur propre liberté intérieure… »

LE DIAMANT DU KASAÏ ET DE KISANGANI

C’est la Centrale Selling Organisation (CSO) dirigée par De Beers et incorporée dans la grande AAC d’Afrique du Sud, qui contrôle étroitement le marché mondial du diamant. L’Afrique produit près de 66% de la production mondiale mais le contrôle de ces pierres précieuses a été perturbé depuis 1990, par la découverte de nouveaux gisements, au Canada notamment, mais surtout par la fin de la guerre froide, qui a ouvert aux contrebandiers, les chemins de la Russie, de l’Angola et du Zaïre.

La De Beers fixe non seulement le prix du diamant à l’échelle mondiale, mais aussi le volume des pierres mises en circulation chaque année. Quand l’AFDL prit le pouvoir à Kisangani, tous les comptoirs furent fermés. A leur réouverture, la De Beers ne voulut pas reprendre ses activités, et les autorités de l’AFDL les attribuèrent pour 10 000 $US par jour, à la seule American Diamont Buyers, filiale de l’American Mineral Fields de Jean-Raymond Boulle. A la même époque, l’AFDL offrit à l’AMFI la dernière production de la Société Minière de Bakwanga (MIBA), la grande société d’exploitation du diamant du Kasaï, amplifiant ainsi la rivalité entre De Beers et AMFI. Mais De Beers, en tant que grande compagnie, encaissa momentanément le coup et après quelques tractations, se rendit à Goma pour acheter, à un peu plus de 5M $US, les diamants qui lui étaient destinés.

KIGALI-KAMPALA-BUJUMBURA, LIEUX DE CONTREBANDE

Comme le reste des ressources minières de la RDC, l’or a fait, pendant plus de trois décennies, l’objet de trafics intenses au profit des « dinosaures » et autres « barons » du régime Mobutu. Il n’y a pas si longtemps le métal jaune servit à l’effort de guerre de l’AFDL. Des centaines de kilos passaient illégalement les frontières pour se retrouver dans les comptoirs des pays voisins dits zone de libre-échange et plus particulièrement à Bujumbura (ancien point de chute de la contrebande de Kabila) jusqu’à l’imposition de l’embargo décrété par les pays limitrophes du Burundi, fin juillet 1996, après le coup d’état de Buyoya.

La fraude n’a pas cessé depuis mais a changé de cap et de destinataires. Les contrebandiers de l’or congolais se trouvent aujourd’hui à Kigali et à Kampala; c’est pourquoi, malgré leur entente idéologique « tutsi », les relations entre le Rwanda et le Burundi se sont quelque peu refroidies.

Kigali a toujours profité de la mauvaise gestion et des troubles dans la région de l’Est de la RDC. En effet, au point de vue minéralogique, le Rwanda a les mêmes minerais que le Kivu mais à une échelle nettement inférieure; c’est pourquoi en organisant et en gérant convenablement sa petite production, il attirait toute la contrebande de la Région. Bien que les réserves de cassitérite soient rares ou mal connues au Rwanda, le minerai d’étain est resté jusqu’en 1989 le troisième produit d’exportation après le café et le thé. En 1980, la cassitérite représentait 23% de la totalité des revenus à l’exportation du pays, et 5% des 23% provenait de la contrebande.

Mais à partir de 1985 suite à la chute des prix de l’étain sur le marché mondial, les revenus sont retombés à 7% des exportations, car les trafiquants ougandais, zaïrois et burundais avaient abandonné la cassitérite pour se reconvertir en orpailleurs.

L’or est également produit au Rwanda en très petite quantité, soit sous forme de sous-produit de la cassitérite lorsqu’ils sont associés, soit en provenance de la forêt de Nyungwe dans la crête Congo-Nil.

Comme dans le nord du Katanga, on exploite au Rwanda et au Burundi, depuis plus de 50 ans, des minerais dont on parle peu, mais qui ont une importance relativement grande, surtout lorsqu’ils interviennent comme appoint à d’autres gros gisements; c’est le cas du wolfram (minerai de tungstène) de Nyakabingo à Shyorongi au Rwanda, qui serait un des gisements les plus importants d’Afrique mais dont le coût d’exploitation serait trop élevé.

Il en est de même de la colombo-tantalite (coltan) de Rwinkwavu comme celle de Manono en RDC dont les réserves seraient sous eau depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

Il y a aussi du béryllium, au Rwanda et au Burundi, ainsi que du nickel et de la tourbe, mais les gisements présentent des coûts de rentabilité trop élevés, ce qui découragerait d’éventuels investisseurs avertis.

L’axe Kisenge-Manono-Rwinkwavu via Bujumbura, aurait servi pendant la deuxième guerre mondiale à l’acheminement par avion jusqu’en Belgique, du manganèse et de la coltan, pour la fabrication des tôles des panzers et des blindés.

L’industrie minière du Burundi et du Rwanda joue un rôle infime dans leur économie, mais « l’Eldorado » que présente leur voisin de l’Ouest, la RDC, fait d’eux pour le moment des pays prospères en or et en diamant.

Entre 1998 et 1999 par exemple, le Rwanda a vendu au moins 2,5 tonnes d’or à la Belgique. La guerre en RDC est financée par ses propres richesses minières. Mais un tel « autofinancement  » résulte évidemment d’un subtil arrangement entre les institutions bancaires des pays envahisseurs et des pays « receleurs » qui appuient les gouvernementaux et la rébellion « congolaise ».

CONCLUSION

La Région des Grands Lacs d’Afrique est dans la mire des transnationales minières. Compte tenu de ce qui précède, il est important de souligner et de retenir quelques lignes de force qui risquent de marquer durablement le sous-développement économique et politique de la Région.

Les privatisations, débutées sous les régimes précédents et, poursuivies actuellement par ceux qui sont au pouvoir dans les pays de la Région, constituent des opportunités inédites pour ces multinationales, alors que la plupart des autres pays en développement ralentissent ce mouvement.

Les grandes quantités de ressources minières et pétrolières de l’Afrique centrale peuvent influencer le marché mondial de certains minerais, ainsi que la santé économique des entreprises ciblées. C’est la raison pour laquelle des « petites » entreprises n’hésitent pas à traiter avec des « rebelles » pour prendre des positions avantageuses avant la fin de la guerre, et proposer ensuite des négociations. Les « grandes » transnationales, quant à elles, restent en retrait, en attendant que soit résolue la question de la légitimité des pouvoirs, selon la ligne de conduite des institutions financières internationales telles que la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI).

Ces multinationales attendent aussi de mieux connaître l’attitude des nouveaux dirigeants à leur égard. Ces nouveaux régimes ont en effet des attitudes ambiguës; d’un coté ils appellent les entreprises privées à soumissionner pour obtenir des contrats et de l’autre, ils ne se gênent pas pour renationaliser des entreprises qui venaient d’être privatisées juste avant leur avènement au pouvoir.

La paix revenue et les règles du jeu politique établies, sous la coupe et les « conseils » des institutions financières internationales, une autre guerre, celle des transnationales, pour le partage des ressources du monde, commencera. Tout ce tapage médiatique sur la guerre en RDC et le rôle des diplomates anglais, américains, belges, égyptiens, français, libyens, sud-africains, zambiens… dans cette crise de la Région des Grands Lacs, doivent être interprétés dans ce sens.

Les besoins en investissement pour sortir cette Région de son état de délabrement ne donneront pas beaucoup de possibilités aux nouveaux dirigeants dans leurs négociations avec les firmes internationales: celles-ci plus intéressées par le rendement boursier rapide que par le développement social, ramèneront les pays des Grands Lacs et plus particulièrement la RDC à l’époque de « l’Afrique des Comptoirs ».

Cette perspective bien réelle a fait dire au professeur Jef Matton, spécialiste de l’économie de la RDC, que les minières devraient être rappelées à l’ordre par le FMI et la BM afin de jouer un rôle social, fut-il minimum. Mais qui possède les lobbies pour influencer les Organisations Mondiales, l’AMFI ou les pauvres peuples d’Afrique?

Malgré les situations chaotiques dans lesquelles ces nouveaux dirigeants trouvent leurs Etats, ils promettent d’honorer la dette extérieure afin de trouver les fonds nécessaires à la reconstruction de leurs pays respectifs.

De très fortes pressions sont alors exercées sur eux. Et pour sortir leurs pays de leur état lamentable, ils se privent d’une partie des bénéfices d’exportation de leurs ressources, avant même d’avoir obtenu satisfaction, car entre-temps, il y a des négociations avec le FMI et la BM: Rééchelonnement de la dette et programme de restructuration nationale, sous la surveillance d’un « club international de bailleurs de fonds ». Ils sont tenus d’intégrer l’économie de marché global et d’en accepter les conditions, souvent au détriment de la population. Mais la première des conditions exigées par ces groupes financiers « intéressés » demeure la stabilité, c’est à dire, des hommes forts à leur solde à la tête de ces pays.

Cette stabilité n’est pas forcément synonyme de démocratie ou de développement, c’est principalement l’absence de guerre dans les secteurs miniers. Même si le pays est sous le régime d’un despote ou d’un fasciste, l’essentiel pour les grands financiers de ce monde est de faire fructifier leurs capitaux en toute quiétude sans tenir aucun compte de la population.

PROPOSITION DE SOLUTION

Rigoberta Menchu Prix Nobel de la Paix 1992, au cours d’un séminaire sur la paix en Colombie, le 6 septembre 1999 avait dit : « Pour faire des propositions viables, il est fondamental d’écouter la totalité des participants au processus de paix. Si vous n’avez pas accès à toutes les parties, il faut tisser des liens et y parvenir, c’est de cette façon que vous ferez naître cette harmonie qui donnera des résultats plus tard » C’est dans cet ordre d’idée que la proposition suivante est présentée avec la ferme conviction qu’elle fera avancer le processus de paix dans les pays de l’Afrique Centrale.

La solution pour la paix, la stabilité politique et la prospérité dans cette Région des Grands Lacs d’Afrique, serait un genre de PLAN « MARSHALL » POUR L’AFRIQUE CENTRALE, auquel participerait toute la communauté internationale et par laquelle ces peuples seraient éduqués et préparés aux règles de la démocratie, au respect des accords internationaux et à bien d’autres valeurs humaines. Les richesses minières de la RDC, au lieu de financer la guerre, financeraient ce « Plan Marshall Pour l’Afrique Centrale ».

Le gros effort devrait venir de ceux qui détiennent la force des armes et des finances, en acceptant les conditions socio-politiques de la population, dont la première exigence est de choisir et de contrôler démocratiquement ses dirigeants, qui, à leur tour, devraient être des interlocuteurs valables auprès de ces sociétés multinationales. Cela limiterait le pouvoir de ces grandes sociétés pour le rendre (au moins partiellement) au peuple. Ce qui est la signification de la Démocratie.

Si les Peuples dits civilisés ne réagissent pas très rapidement, la population d’Afrique Centrale subira le même sort que les Sioux, les Apaches et autres Indiens d’Amérique et d’ailleurs, traqués par les US businesmen, et ne sera plus qu’une espèce de plus en voie de disparition.

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1 The Indian Ocean Newsletter du 24 juillet 1999 fait mention de deux attentats contre la vie de Salim Saleh (aussi connu sous le nom de général Caleb AKANDWANAHO): le journal cite des sources militaires ougandaises qui mettent la responsabilité sur des attaquants rwandais.


I.O.N. – Salim Saleh’s problems might well stem from his commercial and military activities in the region and, especially in Democratic Republic of Congo. His company, Abachaka, has been heavily involved in transporting Gold from DRC to the United States over the past twelve months as it has a Boeing 707 freight plane available piloted by an Asian named as Sajal Suli who effected as many as three return flights a month at the busiest time. Abachaka includes Andrew Lataaya and Jamma Katto as directors, the latter being also allied with Salim Saleh in a company, which imported second-hand helicopters for the Rwandans which the latter refused. The Rwandan authorities, which have never cheered Salim Saleh’s activities in DRC because these cornered sources of Rwandan revenue, have broken off links with Abachaka.