Le samedi le 12 octobre 2024, les médias ont annoncé la reprise des négociations entre le Rwanda et la RDC sous la médiation de l’Angola au sujet de ce conflit qui dure depuis des années et qui se caractérise par l’occupation d’une grande partie de la Province du Nord Kivu en RDC par les troupes de l’Armée de Paul Kagame du Rwanda avec leurs supplétifs Tutsi du Congo dits du M23/RDF.

Il semblerait que cette fois-ci les deux parties seraient arrivées à un accord. Mais les termes désignant ce à quoi chacune des parties s’est engagée, sont caractéristiques d’un jeu de dupes!

En effet il est dit que la RDC “…s’est engagée pour la mise en œuvre d’un plan harmonisé de neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).” Ce qui est clair!

En contrepartie, Kinshasa aurait obtenu “… un engagement pour la levée des mesures de défense adoptées par Kigali”. Ce qui n’est pas du tout clair quand on sait qu’il y a environ 4 000 militaires rwandais déployés sur le sol congolais. Aucune allusion à leur retrait! Qui sera le “dindon de la farce” ?

Il faut rappeler que la dernière de ces rencontres de Luanda qui ont été initiées en juin dernier a eu lieu les Samedi 14 et Dimanche 15 Septembre 2024. Mais que les 2 délégations se sont quittées sans signer aucun accord ou même un communiqué conjoint. Par contre chacune des parties (Kinshasa et Kigali) a communiqué sur cet échec de Luanda II ou III en donnant sa version forcément opposée à celle de l’autre.

Matière

Mais de quoi parle-t-on dans ces rencontres ou négociations de Luanda entre la RDC et le Rwanda? C’est ce que nous allons synthétiser en quelques lignes ci-après.

Les rencontres de Luanda, capitale de l’Angola pays désigné comme “médiateur” par l’UA et ensuite confirmé par l’UE et l’ONU, ont officiellement pour objectifs de trouver une issue à la guerre à l’Est de la RDC suite à l’invasion par le Rwanda, et ses conséquences ; de faire signer un Traité de paix entre le Rwanda et la RDC pour mettre définitivement fin à ce conflit.

Mais pour les observateurs neutres et réalistes sont d’avis que ce processus de Luanda n’a aucune chance d’atteindre ces objectifs car il est surréaliste et déconnecté des réalités politiques et militaires de la situation  comme nous allons le montrer.

Positions respectives

Comme dans toute négociation, chaque partie-prenante arrive avec ses revendications et prises de position de base sur lesquelles elle peut céder en partie s’il le faut pour parvenir à un compromis qui constitue l’essence même d’une négociation. Passons en revue ces positions et revendications des deux parties RDC et Rwanda à Luanda.

RDC

La RDC met sur la table à Luanda  un dossier qui se résume en accusations qu’elle porte contre le Rwanda de Paul Kagame et celui de ses exigences.

Accusations:

La RDC accuse le Rwanda de Paul Kagame d’agression  sous couvert d’un groupe terroriste dit M23 qu’il a créé et soutient.

La RDC accuse encore le Rwanda de pillage de ses ressources minières.

La RDC accuse l’armée d’occupation de Kagame d’avoir provoqué des déplacements des populations du Nord Kivu qu’il a chassées de leurs biens;

La RDC accuse enfin le Rwanda et son armée de commettre des crimes de guerre et contre l’Humanité en RDC commis par M23/ Kagame.

Exigences

En conséquence et en toute logique, la RDC a des exigences qu’elle met aussi sur la table à Luanda.

Elle exige le retrait total des troupes de Paul Kagame de la RDC;

Elle demande le retour  des populations du Nord Kivu dans leurs biens d’où elles ont été chassées par l’armée de Kagame;

Elle demande que le processus de Désarmement et Cantonnement des groupes armés à commencer par le M23/RDF soit mis en exécution  avant tout autre processus politique avec ces groupes armés;

Enfin la RDC exige qu’un processus juridique national ou international pour juger les M23/RDF des crimes commis pendant leur occupation du Nord Kivu soit acté et avalisé par la médiation.

Rwanda

Comme il se doit, la délégation de Paul Kagame arrive à Luanda chaque fois  avec un dossier contenant les accusations portées contre la RDC et ses exigences. Voici les dernières que le Rwanda met sur la table.

Accusations:

Discrimination des Tutsi congolais par le régime en place en RDC.

Discours de haine contre les Tutsi en général tenu par les instances congolaises.

Collaboration et soutien au groupe “génocidaire“ FDLR!

Exigences

Neutralisation et éradication totale des FDLR.

Intégration des Tutsi du M23/ RDF dans toutes les instances politico-administratives et surtout sécuritaires de la RDC.

Le processus de Luanda

Ce processus de Luanda, qui est actuellement à la Une, est non seulement non réaliste car déconnecté de la réalité du terrain  mais aussi bancal dans sa démarche.

En effet, il est clairement visible qu’il s’agit de “mettre la charrue avant les bœufs” car le processus de Luanda devait initialement superviser et assurer le désarmement, le cantonnement et la réinsertion des groupes armés dans la société.

Tout cela en accompagnement à celui de Nairobi qui devait avaliser ce désarmement et ce cantonnement lors de pourparlers entre les groupes armés ayant accepté de déposer les armes et entrer dans ce processus. Or le processus de Nairobi est mort-né, le M23/RDF de Kagame ayant refusé non seulement de le rejoindre mais a lancé de nouvelles offensives pour conquérir d’autres territoires au Nord Kivu. C’est dans cette situation confuse et tendue que le processus de Luanda  a été lancé et confié au président de l’Angola João Lourenço.

Parmi les défis à relever par Luanda, il y a celui de comprendre et interpréter le double langage de Kagame et les confusions des termes d’ou leur incompréhension. Sans comprendre que quand Kagame parle des “FDLR génocidaires” aujourd’hui , il veut dire tous les Hutu de RDC (Congolais de souche, réfugiés rwandais ou burundais, et en définitive tous les Bantous… des millions !) et que demain il reviendra avec la même exigence sous ce prétexte, on aura rien compris.

Paul Kagame exige l’impossible  à la RDC et à se faire harakiri quand bien-même elle s’y engagerait. Comment en effet un gouvernement responsable peut s’engager à ne plus faire des efforts nécessaires pour reconquérir et rétablir l’autorité de l’Etat unitaire sur une portion du territoire national conquise et annexée par une puissance étrangère, alors que dans sa prestation de serment il a juré d’assurer l’intégrité de ce territoire? C’est comme ce cessez-le-feu qu’on lui impose depuis juin 2024 sans en connaitre les tenants et les aboutissants. En fait une reconnaissance tacite du fait accompli, à savoir l’annexion du Nord Kivu par le Rwanda de Paul Kagame avec le M23 interposé!

Pressions diverses et unilatérales

Concernant cette guerre, les pressions diverses et nombreuses continuent d’être faites mais curieusement uniquement sur la RDC.

Les dernières en date sont celles de l’Union Européenne du week-end des12 et 13 octobre 2024 comme le rapporte les médias.

En bref, voici les forces ou puissances exerçant les pressions sur la RDC et les intérêts et motivations de chacune.

* Angola

Etant déjà une puissance militaire reconnue de la région, l’Angola voudrait acquérir en résolvant ce conflit,  une stature diplomatique de haut niveau et son président  João Lourenço.  acquérir une aura internationale, pourquoi pas un futur Prix Nobel s’il réussissait a faire signer ce traité!

* Union Africaine.

Cette organisation, un “machin africain”, ne pouvant pas avoir de position propre sur un sujet d’ordre international surtout impliquant des états membres, doit toujours épier quelle est la position des puissances occidentales, ses véritables maitres ( UE, USA et ONU), pour les singer ou s’y ranger sans état d’âme. Donc entre la RDC et le Rwanda dans ce conflit, l’UA doit faire pression sur la seule RDC.

* Union Européenne.

Ces anciennes puissances coloniales de l’Afrique considèrent toujours l’Afrique comme leur arrière-cour. Comme elles ont créé le monstre Paul Kagame et l’ont installé au trône au Rwanda pour veiller à leurs intérêts dans la région, dans ce conflit c’est sur sa victime l’agressée RDC que les pressions de l’UE doivent s’exercer.

* Les Etats Unis d’Amérique (USA) et l’ONU.

Ce sont eux qui ont permis à Paul Kagame de ravager la région des Grands Lacs depuis 3 décennies. Ce sont eux qui lui ont assuré l’impunité en l’autorisant de commettre n’importe quel crime de guerre ou contre l’Humanité, même des génocides, étant sûr qu’il ne serait pas inquiété.

En retour, ces puissances l’utilisent comme leur garçon de course et bon à tout faire comme par exemple l’envoi de ses troupes comme mercenaires ou sous couvert de l’ONU où elles veulent (Mozambique, RCA, Soudan) ou offrir sa population comme “cobayes” de laboratoires pour les essais médicaux des grandes et puissantes multinationales pharmaceutiques, ce qu’aucun autre dirigeant d’Afrique ne peut accepter ni faire accepter à sa population, etc.

Enfin. Paul Kagame lui-même dit souvent que ce qu’il commet notamment en RDC, il le fait avec la complicité de certaines puissances et que si celles-ci osaient le critiquer ou le sanctionner pour ses crimes ou violations des Droits de l’Homme, il  révélerait ses complices.

Dans le cas présent et dans ces conditions, les USA et l’ONU ne peuvent que faire pression sur la seule RDC pour qu’elle capitule et cède son territoire à Paul Kagame du Rwanda.

Vue la complexité de l’affaire et la gravité du drame que vit le pacifique peuple congolais de la RDC, nous concluons cette analyse par une interrogation.

Comment sauver la RDC de cette Nakba** et surtout par qui?

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*Aller à Canossa

En référence à la petite ville italienne de Canossa, celle-ci est entrée dans la chronique historique non par ses charmes pittoresques, mais par un événement qui s’y est déroulé en 1077: la pénitence de l’empereur Henri IV devant le pape Grégoire VII. C’est une expression de la langue française appartenant au registre soutenu. Elle symbolise, au sens figuré, l’expérience d’une humiliation infligée par autrui ou par un concours de circonstances, impliquant souvent un acte de contrition, au cours duquel on admet ses erreurs et l’on demande pardon d’une manière dégradante ou avilissante.

**Nakba

Le terme arabe ”Nakba” signifie « catastrophe » ou «désastre ».
De nos jours, dans le monde arabe, il désigne généralement l’exode palestinien de 1948, soit la fuite ou l’exil forcé de plusieurs centaines de milliers d’habitants de la Palestine à la création de l’Etat d’Israël en 1948.

Source: Echos d’Afrique

Photo: Paul Kagame, João Lourenço et Félix Tshisekedi à Luanda le 6 juillet 2022.

Processus de Luanda: La RDC accuse le Rwanda de blocage (b-one TV Congo, 11.10.2024)