Le conflit entre dans une nouvelle phase la plus délicate à gérer par la partie agressée à savoir la RDC
Contrairement aux rapports quasi hebdomadaires de la situation de cette guerre que Paul Kagame a imposée à la RDC depuis mars 2022, celui-ci est ce qu’on appelle en jargon militaire dans la procédure OTAN un PERINTREP (PERiodic INTelligence REPort). Il concerne la période allant de juin 2022 à la prise de Bunagana par le M23/Kagame jusqu’au mercredi 23 novembre 2022 avec le mini-sommet de Luanda à ce sujet.
Bref rappel des principales actions militaires et politico-diplomatiques qui ont marqué cette période de Juin à Novembre 2022.
Il y a eu d’abord en ce mois de juin, la conquête-surprise de la cité-frontière de Bunagana, principale entrée et sortie de la RDC venant d’Ouganda et non loin de la frontière immatérielle entre la RDC et le Rwanda car passant par l’épais Parc des Volcans.
En effet, en quelques heures, la cité fut conquise et occupée par des combattants lourdement armés venant de “nulle part“ et se réclamant du M23 celui-là même qui avait disparu des radars après sa défaite de 2013.
Ensuite quelques semaines après, ces guerriers que le Secrétaire Général de l’ONU décrivait comme opérant comme une armée régulière d’un Etat et fortement armés plus que la MONUSCO et même que les FARDC, vont conquérir tout le territoire de Rutshuru aussi, territoire plus étendu que deux provinces du Rwanda.
Diplomatiquement pour “éteindre l’incendie”, les organisations régionales (EAC, East African Community et CIRGL, la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs) vont lancer quelques initiatives. On a eu alors l’initiative dite de Nairobi sous les auspices de celui qui était encore président du Kenya Uhuru Kenyata. Mais étant à la fin de son deuxième mandat et ne pouvant plus se présenter, il céda son fauteuil à celui qui venait d’être élu, à savoir William Ruto. Entretemps l’initiative de Nairobi sur la guerre à l’Est de la RDC fut mise, comme il se devait, en veilleuse. Il en fut de même de l’initiative de Luanda sous les auspices du président angolais Joao Lourenço. Comme il se devait et se comprend, celui-ci se consacra à sa réélection en août 2022 qu’à la guerre en RDC.
C’est au cours de cette période aussi que le gouvernement de la RDC a osé manifester son ras-le-bol des invasions répétitives de Paul Kagame. Il expulsa donc l’ambassadeur de Kagame à Kinshasa, Vincent Karega.
Enfin, la période aura été caractérisée par la menace sérieuse du M23 de prendre la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord Kivu. En effet à la mi-novembre 2022, l’armée du M23/Kagame se trouvait à peine à 20 Km de Goma qu’elle semble avoir coupée du reste du Nord Kivu en s’emparant des territoires au Nord et à l’Ouest (Tongo, Masisi), étant entendu qu’à l’Est, c’est le Rwanda et au Sud le lac Kivu.
Nouvelle phase dans laquelle on entre
Reprenant l’initiative, le président de l’Angola Joao Lurenço en tant que président en exercice de la CIRGL, a convoqué un sommet à Luanda le 23 novembre 2022. Mais ce mini-sommet a été snobé par Paul Kagame pourtant concerné au premier chef. Un accord de cessez-le-feu et une feuille de route avec un chronogramme clair a été signé par les chefs d’Etats ou leurs représentants. Quelques décisions fortes ont été prises.
La première est la cessation des hostilités, et en particulier des attaques du M23 contre les forces armées de la RDC (FARDC) et la MONUSCO à partir de vendredi 18h. Deux jours plus tard, le groupe rebelle devra se retirer des zones conquises pour regagner ses positions initiales, tandis que la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) poursuivra son déploiement.
Un mauvais signal dans ce sens et qui ne trompe pas : comme déjà signalé, ce mini-sommet s’est tenu en présence des présidents congolais Felix Tshisekedi et burundais Evariste Ndayishimiye, aux côtés du chef de l’État angolais Joao Lourenço et du facilitateur de la communauté est-africaine, Uhuru Kenyatta. Paul Kagame était en revanche absent alors qu’initialement, il avait confirmé sa venue. Le dictateur rwandais, pourtant attendu, s’est fait représenter par son ministre des Affaires étrangères, Vincent Biruta, comme le rapporte une dépêche de RFI.
Selon la feuille de route établie par ce sommet, toutes les parties doivent cesser les hostilités dès vendredi 25 novembre 2022 à 18h donc le Jour J.
A J+2, le M23 doit commencer à se retirer des zones conquises qui seraient réoccupées automatiquement par les troupes de l’EAC.
A J+5, début de désarmement des autres groupes armés et cantonnement du M23.
A J+7, retour des déplacés dans leurs biens.
A J+10, relance des consultations entre les groupes armés et le gouvernement de la RDC.
A J+ 15, début de l’examen des questions liées au retour des réfugiés congolais vivant dans les pays voisins.
A J+ 60, normalisation des relations entre la RDC et le Rwanda.
On le voit, ce n’est pas le manque de bonne volonté que l’on reprocherait aux Chefs d’Etats de la région, bien entendu ceux qui étaient présents.
Mais aux dernières nouvelles, le M23 /Kagame s’est empressé de dénoncer cet accord et d’ailleurs le M23/Kagame n’a pas tardé a rejeter dès ce 24 novembre cette feuille de route en déclarant qu’il ne se retirerait jamais de zones conquises. L’accord de cessez-le feu est donc mort-né! par le fait de ce mouvement de déclarer qu’il ne se retirerait jamais des régions conquises mais au contraire qu’il poursuivra sa conquête si les FARDC ou d’autres forces tentent de les y déloger.
L’Histoire nous apprend que dans de telles situations, cette période qui débute au Jour J le 25 novembre 2022 est la plus délicate à gérer.
Le cas du Rwanda de 1992-1994
Envahi par le même Kagame à la tête des éléments tutsi de l’armée de l’Ouganda en 1990, le Rwanda a tenu pendant deux ans avant qu’il ne soit contrait à négocier avec l’envahisseur.
Ces négociations ont commencé en juillet 1992 au moment et aux conditions choisis par le FPR de Kagame. Celui-ci exigea et obtint en effet de ne pas négocier avec le Gouvernement nommé par le Président Habyarimana mais avec celui dominé par ses opposants et ayant conclu un pacte avec le FPR. Ce gouvernement fut investi en avril 1992.
Les politiciens rwandais de l’époque qui se disaient “opposants” alors qu’ils faisaient partie et même dirigeaient le gouvernement, étaient prêts à tout céder même, leur honneur ou le sacrifice de la population, au FPR, pourvu qu’ils puissent renverser Juvénal Habyarimana dans l’espoir de le remplacer.
Au cours de ces négociations qui se déroulaient à Arusha en Tanzanie, en cas de blocage sur un sujet, la réponse et la réaction immédiate du FPR fut toujours la rupture du cessez-le-feu, et la reprise des hostilités où et quand il a choisi.
Enfin, cerise sur le gateau, le FPR a obtenu que les troupes de l’ONU censées venir permettre l’application de l’Accord de paix, soient en réalité au Rwanda pour installer le FPR au pouvoir. Le cas de leur commandant, le général canadien Roméo Dallaire en fut une illustration caricaturale. C’est ainsi que le FPR a investi et occupé le Parlement du pays, un des sièges du pouvoir, sans combat, et a pris le contrôle officiel de l’aéroport international Grégoire Kayibanda de Kigali-Kanombe. Dès janvier 1994, avant même la conquête totale du pays, c’est le FPR qui indiquait quelle piste de l’aéroport était interdite pour les vols ou atterrissages, ou celle autorisée à utiliser.
La suite, on la connaît!
Défis auxquels font face le pays agressé et dans ce cas, la RDC
Dans ce genre de situation, le pays agressé et qui a été dans l’incapacité de bouter l’agresseur hors du territoire national ou de le neutraliser sur place, et qui en arrive à signer des accords de cessez-le-feu avec l’agresseur, fait face à de très grands défis.
Ces défis sont directement proportionnels aux opportunités que possède l’envahisseur.
Opportunités dont dispose l’agresseur
Dans ce cas de figure, le M23/ Kagame, qui vient d ailleurs de rejeter cet accord et cette feuille de route, peut rompre à tout moment le cessez-le- feu.
Si négociations il y a, il pourra toujours faire pression en posant de nouvelles exigences.
Comme à son habitude, Paul Kagame pourrait exploiter les troubles à l’intérieur du pays agressé, dont certains seraient d’ailleurs de son fait, pour à la fois faire discréditer le régime et surtout le distraire en l’acculant aux opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre qu’à celles pour combattre l’envahisseur.
Le M23/Kagame pourrait toujours crier au “génocide” dans le pays agressé pour avoir l’autorisation et les appuis nécessaires pour sa conquête militaire soi-disant pour y “arrêter le génocide”. Et comme pour le prouver, il peut commettre des assassinats ciblés des leaders politiques dont la mort pourrait provoquer la colère des leurs et rallumeraient des conflits intercommunautaires qui restaient latents.
Et s’il le faut, assassiner le Chef de cet Etat lui-même.
En apothéose et au mieux prendre le pouvoir par les armes en investissant la capitale Kinshasa comme en mai 1997. Sinon au minimum proclamer la République (Hima-Tutsi) du Kivu sous protectorat de Paul Kagame du Rwanda et en filigrane Museveni de l’Ouganda ; République qui serait tout de suite reconnue par la Communauté Internationale, en clair l’Occident.
Pièges à éviter et attitude à adopter par les décideurs congolais
Les analystes et intellectuels congolais sont plus habilités plus que n’importe qui d’autre pour recommander à leurs décideurs politiques ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire en cette période critique dans l’Histoire de l’Etat congolais et de la Nation congolaise. Cependant un citoyen de la région des Grands Lacs peut lui aussi émettre son avis surtout que le sort de la RDC l’affecte lui-aussi dans son existence. C’est pourquoi sans aucune prétention nous disons ceci:
Les politiciens congolais ne devraient pas tomber dans la bassesse comme ceux du Rwanda de 1992-1994 en restant obnubilés par la seule envie de remplacer le président en exercice en oubliant que la Nation est en danger et que ces chicanes de fauteuils auront lieu après avoir sauvé la Nation. Juvénal Habyarimana a été non seulement renversé mais aussi assassiné mais aucun de ces politiciens ne l’a remplacé comme ils l’espéraient tous.
Le cessez-le-feu et les négociations ne devraient pas être l’occasion, comme l’espère l’envahisseur, pour stopper les FARDC dans leur montée en puissance en cessant de les équiper et de les renforcer en personnels. De même, tout politicien et responsable administratif à chaque niveau, devrait œuvrer pour que les FARDC ne soient pas distraites et dispersées dans des missions de maintien et de rétablissement de l’ordre public, donnant ainsi du répit à l’envahisseur qui lui n’a pas de telles contraintes.
La RDC ne devrait pas être bornée à regarder Paul Kagame et à ne pas voir Yoweri Museveni derrière. En fait qui dit Kagame dans une entreprise de déstabilisation dans la région des Grands Lacs devrait savoir que Museveni est en filigrane. Sans Museveni , pas de Kagame!
Enfin, le gouvernement de la RDC, dans sa lutte pour la survie de la Nation congolaise, devrait se donner les moyens (et c’est réalisable) de couper Paul Kagame de ses racines qui lui ont toujours garanti l’impunité pour ses crimes. Les contacts diplomatiques classiques (Etat à Etat) ne sont pas suffisants. Il faudrait arriver aux puissants lobbies qui dominent le monde de la Finance et des Médias et qui ont adopté Kagame depuis sa conquête du Rwanda. Au besoin leur promettre dix fois plus de ce que celui-ci leur donne. Car même de belles femmes, sans parler des métaux précieux, la RDC n’en manque pas.
Source: Échos d’Afrique
Photo: Paul Kagame, Yoweri Museveni et en bas Sultani Makenga, chef du M23.