Déclaration N°01/2023
L’Observatoire des droits de l’homme au Rwanda (ODHR) a appris avec tristesse et inquiétude le décès de John William Ntwali le 19 janvier 2023. Il présente ses condoléances à sa famille et les proches. L’ODHR rend hommage à la personne de John Williams Ntwali et à son travail professionnel de journaliste de John William ainsi qu’à son engagement dans la défense et la protection des droits des personnes victimes d’injustice dans la pays.
John Williams Ntwali était un journaliste professionnel engagé avec beaucoup d’expérience dans un contexte rwandais répressif. Il a travaillé à Flash FM, à City Radio, au journal igihe.com et au journal The Chronicles comme rédacteur en chef. Il a ensuite créé sa propre chaîne de diffusion Ireme News.com devenu la chaine Pax TV –Ireme News dont il était directeur. Il était journaliste d’investigation et très connu pour ses analyses et son engagement. Il n’avait pas peur d’affronter le terrain difficile du journalisme rwandais à savoir la dénonciation des injustices commis par les proches du pouvoir et les tenants du pouvoir lui-même. Décédé à 43 ans (John Williams Ntwali: Uyu munyamakuru urupfu rwe rwavugishije benshi ni muntu ki? – BBC News Gahuza) (notre traduction : John Williams Ntwali : qui est ce journaliste dont la mort a délié les langues ?), il était marié et père de famille (1 enfant). Certains médias avancent qu’il aurait été militaire sous l’ancien régime mais le journal BBC News Gahuza ci-haut cité indique que sa famille affirme le contraire.
John Williams Ntwali a suivi et rapporté et commenté les procès sensibles des journalistes et youtubeur (Cyuma Hassan Dieudonné, Nsegimana Théoneste, Karasira Aimable, Mme Yvonne Iryamugwiza) et des détenus politiques dont ceux de Rashid Abdul Hakizimana et du Dr Kayumba Christopher fondateur du journal The Chronicles dans lequel John William Ntwali travaillait. Il leur rendait visite en prison pour suivre leur situation et condition de détention qu’il ne manquait pas de critiquer dans ses reportages sur sa chaîne en ligne Pax TV Ireme News.
Il avait enquêté sur la disparition des enseignants qui auraient enregistré les insultes d’une parlementaire adressées dans sa région natale au journaliste emprisonné Cyuma Hassan Dieudonné Niyonsenga et indiqué à leur famille qu’ils sont emprisonnés dans des lieux que l’autorité ne veut pas communiquer. Il a enquêté et rapporté les doléances de la population de Kangodo (Bannyahe) et Kibiraro expropriée par force sans indemnisation préalable. Il a suivi leur procès de réclamation que la justice a rejeté au détriment de la loi alors qu’il était de bon droit pour les concernés.
Il a suivi et commenté la vente aux enchères des biens de Rwigara Assinapol décédé lui aussi dans un accident controversé et contesté par la famille et les proches.
Des questionnements sur certains points des déclarations de la police et des témoignages rapportés amènent certaines organisations et des personnes qui suivaient son engagement dans la défense des droits de l’homme à demander une enquête impartiale indépendante sur le décès du journaliste.
Son journal The Chronicles a annoncé qu’il est mort dans la nuit du 17 au 18 janvier à 2H50 du matin à Kimihura dans un accident impliquant un véhicule qui a percuté une moto sur lequel il se trouvait. Voir Au Rwanda, un journaliste critique du président Kagame meurt dans des « circonstances suspectes » (lemonde.fr). « John Williams Ntwali, 44 ans, rédacteur en chef du journal The Chronicles, a été tué mercredi lorsqu’un véhicule a percuté la moto sur laquelle il se trouvait en tant que passager. « Ntwali est décédé dans un accident le 18 janvier à 2 h 50 du matin à Kimihurura », une ville située à proximité de Kigali, a écrit The Chronicles sur Twitter ». Le journal Igihe.com et d’autres journaux de Kigali indiquent que l’accident a eu lieu au village de Gashiha dans la cellule de Kagina/District de Kicukiro.
Certains médias rapportent que John William Ntwali a été vu en public physiquement pour la dernière fois le 13 janvier 2023 dans le procès du Professeur Kayumba Christopher. D’autres affirment l’avoir eu au téléphone pour la dernière fois mardi le 17 janvier 2023. Selon la Voix de l’Amérique Gahuza qui a interviewé son épouse, le représentant de la police Irénée Irere, son frèUn collègue journaliste du nom de Bihibindi Nuru qui l’a vu pour la dernière s’est entretenu avec lui à Nyamirambo au lieu appelé Mirongo ine (40) à 20H30. Son épouse rapporte à la Voix de l’Amérique le 19 janvier 2023 qu’elle a vu son mari pour la dernière fois le 17 janvier vers 15H00 et que son dernier contact au téléphone a eu lieu à 20H28 mn ; qu’il lui disait qu’il prenait une moto. Elle a essayé de le contacter 10 mn après le contact était rompu. Elle a essayé de rappeler mais le contact était définitivement coupé. Elle n’a revu que son corps à la morgue. La police affirme qu’après l’accident le corps a été envoyé à la morgue de l’hôpital Roi Kacyiru et qu’il n’était pas identifiable sans pièces d’identité. Qu’ila été identifié le 19 janvier 2023. Les frères du défunt dans ‘entretien du journaliste Eric Bagiruwubusa sur la VOA indiquent que la police leur demandé le 19 janvier de visiter le corps à la morgue pour constater le décès et l’identifier et qu’ils n’ont pas eu des détails et n’avaient pas la force d’en demander.
Par rapport aux autres renseignements sur sa carrière et son identification, certains journalistes au Rwanda rapportent que John Williams Ntwali fut militaire sous l’ancien régime alors que la famille affirme le contraire. Cela laisse poser des questions lorsqu’on sait le traitement réservé aux militaires de l’armée vaincue en 1994 par le FPR et le régime actuel ont été traités.
Par ailleurs, en rapport avec ses documents d’identification : en tant que journaliste se sachant en danger, John William Ntwali ne pouvait circuler sans identité, sans carte professionnelle et sans téléphone surtout que la plupart de ces contacts affirment l’avoir contacté pendant la journée de mardi 17 janvier 2023. Qui a spolié ses pièces d’identité et son téléphone parce que par son téléphone on pouvait aussi l’identifier ? Ce qui pourrait insinuer que cet accident de roulage serait un montage inventé pour brouiller les pistes d’enquête. Pourquoi veut –on absolument qu’il soit militaire de l’ancien régime alors que selon sa famille il est né en 1979 ? Pour dire qu’en 1994, il n’avait que 15 ans.
L’ODHR comme d’autres personnes qui suivaient l’engagement de John Williams Ntwali dans sa défense des sans- voix conteste cette version de la police à cause de ces incohérences et décalages entre dates d’apparition en public et de communication avec certain amis et journalistes et la date de constat et d’identification du corps. Pour quelles raisons un tel accident d’un journaliste aussi connu que Ntwali n’a pas été rapporté et ait attendu deux jours pour être rendu public ? Ce cas est une répétition des autres qui ont été contestés par les proches et les amis notamment celui de Rwigara Assinapol. D’autres ont été simulés en suicide ou en disparitions forcées et le Rwanda a toujours refusé des enquêtes transparentes et impartiales pour poursuivre les auteurs de tels actes de violations du droit à la vie. Il s’agit des cas de Kizito Mihigo, mort en détention, de l’avocat Donat Mutunzi, mort en détention, du médecin Gasakure Emmanuel, mort en détention, de Boniface Twagirimana, disparu en détention, de Bahati Innocent, sans trace malgré les déclarations des autorités qu’il a fui en Ouganda, d’Illuminée Iragena, disparue sur la route de son travail, du colonel Cyiza Augustin et du parlementaire médecin Hitimana Léonard, disparu et de beaucoup d’autres.
John Williams Ntwali savait aussi qu’il devait être tué mais cela ne l’a pas empêché de mener son travail de journaliste de manière professionnelle. Il était régulièrement harcelé et menacé par les fanatiques du régime. Il a exprimé à maintes reprises le maque de liberté d’opinion et d’expression au Rwanda surtout par rapport aux dossiers des personnes cités plus haut comme Mme Idamange, Karasira Aimable, les journalistes et les youtubeurs et les personnes subissant des injustices diverses en toute impunité. Il avait exprimé ces inquiétudes dans les médias officiels notamment dans son interview avec le journal le Monde cfr « Au Rwanda, les journalistes youtubeurs font face à des menaces incessantes » (lemonde.fr) où il indique « Nous sommes parfois accusés de faire le lit de l’opposition ou même d’être des « forces négatives »…Le troisième grand défi, ce sont les menaces et les insultes incessantes. Elles ne viennent pas directement des autorités, mais plutôt de trolls ou de faux comptes sur les réseaux sociaux. Ils peuvent lancer une campagne contre une personne et porter atteinte à son image à tel point que l’opinion publique va commencer à penser qu’elle est dangereuse pour la société. Il devient alors facile de l’arrêter ».
Il l’avait exprimé aussi dans les médias sociaux notamment sur twitter en répondant aux trolls du régime en soulignant qu’il se savait sur la liste des personnes qui devaient être tuées. Ci-après un échange entre Ntwali et un certain Ndoli Gitare identifié comme le sobriquet de l’ambassadeur rwandais Olivier Nduhungirehe :
Ndoli Gitare, 15/11/2021 : « Pourquoi te trahirais-je alors que je ne suis partage pas ton combat? Les choses sont simples: si tu évites de propager tes rumeurs destinées à faire détester le pouvoir par le peuple et que tu évites de nier le génocide, comme Etienne Gatanazi qui est revenu dans le droit chemin, tu n’auras plus de problème avec la justice ».
NTWALI John Williams 16/11/2021 répondant à Ndoli Gitare : « Monsieur l’ambassadeur, ne vous fatiguez pas. Je n’ai pas le pouvoir de me soustraire de la liste de ceux qui doivent être tués. Ce pouvoir est de la seule compétence de celui qui a mis mon nom sur la liste des candidats à la mort. Lorsque mon nom aura été effacé il sera remplacé par celui d’un autre, car la liste est longue, elle n’en finit pas de se renouveler »
L’ODHR demande au gouvernement rwandais d’autoriser un enquête transparente et impartiale sur les circonstances du décès du Journaliste John Williams Ntwali. Il demande aussi la protection de la famille de Ntwali John et d’autres personnes en danger lister par ses trolls dans les médias. L’ODHR demande au gouvernement rwandais de poursuivre ces trolls /auteurs de ces actes de harcèlement dans les médias dans la stricte légalité et dans le respect du principe d’égalit é devant la loi rwandaise et les conventions protégeant les libertés et droits fondamentaux dont le droit à la vie et la liberté d’opinion ratifiées par l’Etat Rwandais.
ODHR
Coordination
Source: La Tribune franco-rwandaise