Pourquoi les puissances occidentales ne sont plus crédibles en Afrique en général et dans la région des Grands lacs en particulier

Introduction

Beaucoup d’analystes ou observateurs de la situation politique, diplomatique, militaire (la géopolitique) en Afrique en général et dans la région des Grands lacs en particulier, auront été frappés par l’incohérence et la schizophrénie des puissances occidentales en ce qui concerne ce continent et cette région.

En effet, ces puissances occidentales claironnent qu’elles mettent en avant certaines valeurs comme la démocratie, les droits de l’Homme, la liberté d’opinion et de la presse, … et qu’elles n’hésiteraient pas à sévir partout où ces valeurs seraient violées ou menacées. C’est ainsi que ces puissances justifient leurs interventions pour renverser des régimes en Afrique ou à défaut les affaiblir par divers artifices (sanctions).

Seulement le paradoxe et le ridicule de la part de ces puissances, c’est quand elles ferment les yeux face à certains dictateurs africains non seulement qui foulent ces valeurs aux pieds mais aussi qui se déclarent ouvertement contre leur promotion dans les pays sur lesquels ils règnent. Et bien plus, certains de ces potentats et dictateurs deviennent des “ chouchous” de ces puissances qui leur assurent l’impunité en toute chose, même quand ils commettent des crimes sur les territoires de ces puissances ou contre leurs citoyens.

Et quand certaines forces vivent de ces sociétés africaines (jeunesses, société civile, intellectuels, …) s’en étonnent et dénoncent cette incohérence de ces puissances, celles-ci crient à travers leurs puissants médias, que ces forces vivent seraient animées par des sentiments antifrançais, antiaméricains, anti-tutsi, … et que sais-je encore! Autant de crimes et accusations vagues et passe-partout dont on peut accuser n’importe qui.

Pour illustrer cette incohérence et cette schizophrénie des puissances occidentales, nous allons voir le cas d’un certain Paul Kagame du Rwanda.

Mais avant d’aborder les cas du dictateur Kagame bizarrement le chouchou et le protégé de ces puissances occidentales, rappelons brièvement et sans être exhaustif les cas pour lesquels l’Occident a sévi jusqu’à renverser des chefs d’Etats africains ou même à les faire assassiner.

Voici l’arsenal des réactions de ces puissances en cas de violations avérées ou supposées de ces valeurs universelles (démocratie, droits de l’Homme , liberté d’opinion, …).

La salve des sanctions qui peuvent tomber sur les têtes des chefs d’Etats africains qui seraient accusés de les violer est garnie:

Gel des avoirs des dignitaires
Interdictions de voyage
Ouverture des dossiers à la CPI
Provocation et financement des émeutes dans ces pays
Renversement ou même assassinats de ces chefs d’Etats

Quelques exemples des régime frappés par l’Occident pour ces motifs:

La Tunisie de Ben Ali
La Libye de Kadhafi
Le Soudan de El Béchir
Le Kenya après les élections de 2012
La Gambie de Yaya Jammeh
La RDC à un certain moment sous  Kabila
Le Burundi de Pierre Nkurunziza depuis 2015 à sa mystérieuse mort en 2020, etc.

Curieusement, un seul dictateur africain jouit de l’impunité de la part des mêmes puissances occidentales depuis presque trois décennies. Il s’agit du général rwando-ougandais Paul Kagame qui règne sur le Rwanda depuis 1994.

Pourtant, il devrait être le plus visé et frappé par les sanctions et les châtiments des mêmes puissances, sur le constat suivant:

Après avoir conquis militairement le Rwanda, cet officier de l’armée de l’Ouganda s’accordera une période de transition de neuf ans ! (1994-2003), avant d’envisager la mise en place des institutions “normales et constitutionnelles” à travers lesquelles il régnera sur ce pays conquis. Ainsi, il promulguera une constitution qui lui accorde deux mandats de sept ans chacun à la tête du Rwanda. Mais après ces deux mandats (donc après 14 ans de règne sans partage), il s’accordera encore un troisième mandat de sept ans. Entretemps en 2017, il aura bidouillé sa soi-disante constitution pour décréter qu’après ce troisième mandat de sept ans, les pendules seront remises à zéro et que donc,  il pourra se représenter pour encore deux mandats cette fois-ci de cinq ans chacun. Et après ces deux mandats, libre à lui d’en solliciter d’autres car le verrou de la limitation des mandats aura sauté.

Le dictateur rwando-ougandais Paul Kagame, qui règne sur le Rwanda, a décrété une interdiction des partis politiques dans son Rwanda qui pourraient cohabiter avec le sien, le FPR. Les partis politiques existants sont devenus des satellites de son parti-état le FPR. Les politiciens réticents ou critiques sont tués et les plus « chanceux” jetés en prison. Ce verrouillage de l’espace politique lui permet de se déclarer, après des simulacres d’élections, avoir été élu au moins à 98% des voix.

Au Rwanda conquis par Paul Kagame, la presse est muselée et les journalistes qui se hasardent à faire leur métier selon les règles de l’art sont tués, jetés en prison ou portés disparus.

Paul Kagame se livre, depuis 1995 à une chasse en règle des opposants exilés pour les tuer ou les kidnapper et les ramener de force dans son Rwanda pour être jetés en prison ( Théoneste Lizinde, Seth Sendashoga, Patrick Karegeya, …, jusqu’à Paul Rusesabagina).

Paul Kagame crée et entretient des groupes terroristes pour déstabiliser et piller les pays voisins.

En RDC on citera le M23 qui défraie actuellement la chronique et qui est l’émanation du CNDP du tutsi congolais Laurent Nkunda qui mène aujourd’hui la dolce vitae à Kigali. Le CNDP lui-même était l’émanation du RCD-Goma d’Azarias Ruberwa un “munyamulenge” longtemps vice-président de la RDC et inamovible ministre de la Décentralisation. Tous ces groupes sont la création de Paul Kagame qui les arme et les finance.

Au Burundi on peut citer le Red-Tabara, un groupe terroriste composé d’anciens émeutiers de 2015 et des putschistes qui, après l’échec de leur tentative de coup d’état du 13 mai 2015, se sont repliés armes et bagages à Kigali. De là, Paul Kagame les a réorganisés, entraînés dans ses camps militaires et équipés. Ils les lâchent de temps en temps sur le Burundi mais surtout il les a installés au Sud Kivu en RDC et de là ils peuvent mener des actions terroristes sur le Burundi sans provenir directement du Rwanda.

Enfin, le dictateur rwando-ougandais Paul Kagame ne cesse de narguer impunément ses créateurs et maîtres que sont les puissances occidentales, en déclarant publiquement qu’il n’a rien à foutre avec leurs « valeurs comme la démocratie, les droits de l’Homme, la liberté de la presse, etc. » [voir son interview à à l’issue du CHOGM de juin 2022 à Kigali]

Pourtant comme on l’a vu, pour moins que ça ou même pour en être simplement accusés et sans preuves, plusieurs Chefs d’Etats africains ont été châtiés par ces mêmes puissances occidentales. Comment expliquer ce paradoxe et ce phénomène “Paul Kagame”?

Essai d’explication

Rappelons que les principaux conseillers (en fait les donneurs d’ordres) de Paul Kagame ont été ou sont encore des “maîtres du monde” qu’ils soient politiques ou financiers.

Parmi eux citons: Bill Clinton, Tony Blair, Andrew Mitchell, Howard Graham Buffet et autres regroupés dans « Presidential Advisory Council »

A ce titre, ils connaissent toutes les arcanes du monde politique et diplomatique, du monde des affaires et de la finance mondiale, … Et chaque fois, ils disent à Kagame comment il doit se comporter et agir dans chaque situation et à eux d’assurer son lobbying.

Ainsi, ils lui conseillent de réduire en “fautifs pleurnichards et éternels repentants” certains pays occidentaux et en premier lieu ceux qui connaissent le plus le Rwanda ou liés à lui par l’histoire.

Pour la Belgique les accusations sont tout trouvées ; il suffit de les ressasser à tout bout de champs et de les relayer par les puissants médias de ces lobbies. Même ridicules et non fondées soient-elles, elles finissent par prendre :

Avoir créé les ethnies hutu, tutsi et twa au Rwanda dans les années 1930.

Avoir fait la révolution sociale et populaire de 1959.

Avoir aboli la Monarchie féodale absolue et installée une république démocratique au Rwanda, etc.

Pour la France aussi, Kagame et ses conseillers ne cherchent pas loin. Les accusations les plus courantes sont:

Avoir signé des accords de coopération, et depuis 1975, avoir  entretenu des relations militaires avec le “régime hutu” qualifié de “génocidaire”.

Avoir envoyé, aux termes de ces accords, ses troupes au Rwanda en 1990 quand il était envahi par les troupes de l’armée ougandaise.

Avoir, en juin 1994, envoyé encore au Rwanda mais dans une opération approuvée par l’ONU (Opération Turquoise) ses troupes pour établir une “Zone Humanitaire Sûre” empêchant ainsi Kagame de massacrer tous les cadres et intellectuels hutu comme tout homme valide dans le Rwanda qu’il venait de conquérir, etc.

C’est ainsi que la France et la Belgique rivalisent de zèle pour s’autoflageller devant Kagame ou pour ne pas paraître le contrarier ou le critiquer pour sa dictature.

Pour les autres puissances parmi celles censées prendre des initiatives pour sanctionner le dictateur Kagame, ses mêmes conseillers lui disent de les réduire aux vulgarisateurs de la “ théorie du complot” qui veut que sans Kagame dans la région, tous ces pays tomberaient sous l’influence des soi-disant groupes terroristes ou islamistes. Car chez ces puissances, les décideurs politiques tiennent compte des émotions de leurs opinions publiques. Il suffit donc de travailler ces opinions. Et le dictateur rwando-ougandais Paul Kagame y joue à merveille grâce à ces lobbies gravitant autour de ses conseillers indiqués ci-haut. C’est le sort des Etats Unis et de la Grande Bretagne.

Quant à l’ONU, ces mêmes conseillers font comprendre à Kagame qu’il doit la négliger car c’est un “machin” qui n’a aucune marge de manœuvre en dehors de ces puissances. C’est pourquoi les agences de l’ONU trahissent leurs idéaux quand il s’agit de Kagame. Ainsi le HCR, les Casques bleus de l’ONU déployés dans la région, …, favorisent l’impunité de Paul Kagame au moment où ils s’acharnent contre les autres chefs d’Etats qui, en face de Kagame, sont des “enfants de chœur!”.

L’Occident a non seulement perdu sa crédibilité en Afrique et spécialement dans la région des Grands lacs à cause du cas Paul Kagame qu’il a créé et qu’il soutient pour fouler aux pieds les valeurs qu’il prêche, mais avec la nouvelle configuration du monde qui est en train d’être ébauchée, cet Occident risque encore d’être complètement rejeté par les peuples d’Afrique quel qu’en soit le prix à payer. A moins que ces puissances ne reviennent à la raison et redeviennent cohérentes en défendant partout et de la même façon les valeurs dont elles se réclament. Mais en continuant à soutenir et même à s’incliner face aux outrances dictatoriales d’un Paul Kagame, elles vont précipiter le processus en cours de leur décrédibilisation en Afrique. La France de Macron et la Belgique libérale sont en train de passer à la moulinette. Les puissances anglo-saxonnes n’auront pas plus de sursis face aux peuples africains longtemps méprisés et bernés.

Bref, nous encourageons les forces vives des sociétés africaines (jeunesse, société civile, certains intellectuels, …) à continuer à dénoncer cette contradiction de l’Occident inacceptable ailleurs mais admise en Afrique au mépris des peuples. Imposer Paul Kagame comme “modèle de dirigeant en Afrique” et en même temps prêcher que l’on défend la démocratie et les droits de l’Homme, …, c’est tout simplement ridicule.

Enfin, force est de se demander et surtout de lui demander quand cet Occident comprendra-t-il que les peuples africains en ont plus qu’assez de continuer à être infantiliser jusqu’à les obliger d’adorer leurs bourreaux comme Paul Kagame, bourreau qu’il a créé et promu et qu’il continue de vanter alors qu’il foule allégrement aux pieds les principes et valeurs que cet Occident entend promouvoir à travers le monde?

Réunion du Conseil Consultatif Présidentiel – Remarques du Président Kagame (New York, 22.09.2019)