Dans une lettre adressée au Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux des Nations Unies (MTPI), 8 personnes acquittées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) interpellent sur les difficultés rencontrées depuis leur acquittement et demandent à être réunis avec leurs familles.
Les signataires, dont font partie notamment Jérôme Bicamumpaka, Gratien Kabiligi et Casimir Bizimungu, affirment que le TPIR a failli dans sa responsabilité d’aider les personnes acquittées à obtenir un logement adéquat, beaucoup d’entre eux résidant toujours dans les prisons du TPIR malgré leur acquittement sur des bases substantielles de fond il y a plusieurs années.
«Nous avons été arrêtés et accusés des crimes les plus graves. Le TPIR a affirmé que nos arrestations respectives ont été faites sur la base d’éléments de preuve prima facie. Mais la réalité est que nous avons été arrêtés sur la base des positions que nous avons occupées au sein du gouvernement rwandais en 1994 ou simplement sur la base de notre statut social. Après de longs procès qui ont étudié chacune des accusations portées par le Procureur, le TPIR a jugé que nous étions innocents», peut-on lire dans la lettre des acquittés, envoyée au MTPI le 21 avril 2016.
Les acquittés, dont la majorité sont d’un âge désormais avancé, accusent aussi le TPIR de ne pas faire assez d’efforts en vue de leur réadaptation et de leur réintégration dans la société. La plupart d’entre eux se sont vu refuser le droit d’entrée dans les pays occidentaux où leurs familles se sont réinstallées, principalement en Belgique, en France et au Canada. Ils demandent à l’ONU de prendre les mesures juridiques nécessaires pour assurer leur réunification avec leurs familles.
«(..) Le Tribunal de l’ONU a obtenu nos arrestations sur de mauvaises bases. Les Nations unies, ici représentées par le MTPI, ont l’obligation de faire tout le nécessaire pour nous réunir avec nos familles. Lorsque les pays hébergeant les familles des personnes acquittées réagissent négativement ou traînent des pieds, le Tribunal ou l’ONU devraient se lever, retourner les voir et négocier avec vigueur et de façon convaincante afin de les amener à comprendre que la personne qui demande la relocalisation a tous les mérites d’entrer dans ce pays, et que des instruments juridiques internationaux encouragent les pays à l’accueillir», ajoutent-ils.
Les signataires refusent également de retourner au Rwanda par crainte des violations des droits de l’homme signalées dans le pays. En outre, leurs conjoints et les enfants ne peuvent pas retourner au Rwanda, ayant obtenu le statut de réfugié ou la nationalité dans les pays étrangers en raison de la menace d’éventuelles poursuites en cas de retour dans leur pays d’origine.
Malgré la proposition du gouvernement rwandais de les accueillir, les acquittés estiment que «le gouvernement de Kigali n’est pas sincère» et ils ne peuvent pas rentrer «tant que le Rwanda est et reste un Etat autoritaire et répressif». Par ailleurs, quatre d’entre eux, André Ntagerura, Gratien Kabiligi, Protais Zigiranyirazo et Prosper Mugiraneza ont demandé une protection internationale au HCR. A ce jour, ils n’ont reçu aucune réponse, ni du HCR, ni des pays d’accueil de leurs familles.
Ainsi, les signataires exhortent le MTPI à sensibiliser le HCR à leur accorder une protection internationale, qui «facilitera sans aucun doute leur acceptation par les pays qui accueillent leurs familles».
En conclusion, les acquittés relancent leur demande de recevoir les copies du plan stratégique de relocalisation de l’ONU concernant leur avenir, ce qui leur a été refusé jusque-là en dépit de nombreuses demandes antérieures, et ils rappellent que l’ONU «est censée être un modèle de transparence et de bonne gouvernance».