Luc Marchal, qui commandait les casques bleus à Kigali en 1994 ainsi que Sylvestre Bwira, un militant congolais des Droits de l’Homme et Président de la société civile dans l’Est du Congo, se sont vus décerner le prix « Victoire Ingabire Umuhoza pour la Démocratie et la paix » par le Réseau international des femmes pour la Démocratie et la Paix (RifDP), lors d’une cérémonie organisée ce samedi 9 mars 2013 à Bruxelles.
Inauguré le 12 mars 2011 à Montréal, ce prix annuel vise à récompenser les personnes qui se seront démarquées dans le cadre de la lutte pour la démocratie et la paix en Afrique et plus spécialement dans la Région des Grands Lacs au cours de l’année précédente. Il fût mis en place dans l’objectif de «reconnaitre le courage de Victoire Ingabire Umuhoza, et l’honorer afin qu’il reste dans nos mémoires», pour reprendre les termes de Perpétue Muramutse, la coordinatrice de la section Canada du RifDP qui présentait les origines du prix.
C’est donc sur Luc Marchal et Sylvestre Bwira que le jury, composé de Juan Carrero, Mauro Sbolgi, ainsi que des trois coordinatrices des sections Canada, Belgique et Hollande du RifFDP et présidé par Marie Roger Biloa, a porté son choix.
Primitiva Mukarwego , la coordinatrice de la section belge du RIFDP a expliqué à Jambonews que Sylvestre Bwira avait été choisi «en raison de son combat pour les droits de l’Homme» et que par ce choix, le RifDP voulait également montrer aux Congolais et en particulier aux femmes du Kivu sa solidarité eu égard aux drames qui les frappent.
En ce qui concerne Luc Marchal, Primitiva Mukarwego nous explique que le jury a choisi de l’honorer en raison de son combat pour que la justice et la vérité triomphent. «Aujourd’hui près de 20 ans après, il continue à se battre aux côtés des Rwandais pour que cette vérité triomphe, c’est cette lutte qui lui a valu une telle distinction».
«Que leur sacrifice soit une motivation à poursuivre le combat démocratique»
Dans sa lettre de remerciement envoyée aux organisateurs et qui fut lue lors de la cérémonie, Luc Marchal s’est dit « honoré » et « ému » de recevoir une telle distinction.
Dans son écrit, il a estimé que quelque chose n’allait pas au pays des mille collines «si un prix doit être décerné en Belgique par des Rwandaises pour la défense de la démocratie et la paix».
Ayant à l’esprit «toutes celles et ceux qui en ce moment même croupissent dans les geôles», Luc Marchal a appelé l’assemblée à avoir une pensée spéciale à ceux qui, «pour avoir livré ce même combat ont été tout simplement été rayés du monde des vivants» appelant à ce que «leur sacrifice ne s’efface pas de nos mémoires, mais soit une motivation à poursuivre ce combat démocratique afin que le Rwanda mais aussi de façon plus large, l’ensemble de la Région des Grands Lacs puisse retrouver paix et stabilité et que les citoyens de cette région puissent consacrer leur énergie à construire un avenir commun où chacun y trouvera sa place et ne devra plus craindre, pour les siens, des lendemains d’incertitude et d’angoisse.»
«Engagez-vous pour une démocratie dans la région»
Sylvestre Bwira, militant congolais des droits de l’Homme s’est pour sa part dit «surpris de recevoir un tel prix» estimant qu’il n’était pas «facile d’égaler le courage de Madame Victoire Ingabire» qui est pour lui, «une source d’inspiration, une source inépuisable, dans laquelle nous devrions puiser» faisant référence au discours de Victoire Ingabire, diffusé dans une vidéo projetée auparavant, il a comparé la lutte pour la Démocratie à un match de football «les uns devant, les autres derrière, pour un jeu collectif» et a terminé en appelant les personnes de l’assemblée à s’engager «pour que nous puissions instaurer une démocratie dans la région».
Le message de Déo Mushayidi
A l’issue de la remise des prix, un message envoyé du fond de sa geôle à Kigali par Déo Mushayidi, lauréat du prix l’année dernière aux côtés du couple Christiaan et Martine de Beule, a été lu par Gerard Karangwa, vice-Président du PDP-Imanzi. Dans son message, l’opposant qui actuellement purge une peine de prison à perpétuité, s’est dit fier d’avoir été «jugé digne du prix portant le nom de Victoire Ingabire» et a exhorté «les démocrates rwandais et les vrais amis du Rwanda» à travailler afin d’«épargner notre pays d’une nouvelle tragédie».
«Celui qui se bat peut perdre mais celui qui ne fait rien a déjà perdu»
Juste avant la remise du prix, Marie Roger Biloa, Présidente du jury avait introduit les lauréats et expliqué avoir accepté avec honneur ce rôle de Présidente du jury en raison de la personnalité de Victoire, qui «nous montre le type de courage que nous devrions avoir».
Elle a raconté avoir découvert le Rwanda à la fin des années 80 alors qu’elle était jeune journaliste à Jeune Afrique : «J’ai eu la chance de faire la connaissance de ce pays en période de paix, sans enjeu autre que bien connaitre le pays et quand les événements se sont précipités à partir de 90, j’étais mieux outillée que d’autres pour analyser la situation».
Son engagement pour la paix au Rwanda, elle a expliqué le devoir à sa soif de vérité «Je n’étais pas dans un camp ou un autre, j’étais dans le camp de la vérité, on ne peut pas atteindre la réconciliation, s’il y a une partie de la population qui ne se sent pas reconnue, qui estime ne pas avoir sa place dans l’histoire, c’est ce combat qu’a mené victoire, pour instaurer un régime de justice, et ce combat-là, il ne faut pas l’abandonner».
«Celui qui se bat peut perdre, mais celui qui ne fait rien a déjà perdu» avait-t-elle terminé en citant un auteur allemand.
Ruhumuza Mbonyumutwa
13 mars 2013