A un an des élections présidentielles en RDC, il y a risque que les opposants au régime en place commettent l’erreur de s’allier à n’importe quelle force (même maléfique ou d’invasion) pourvu que Félix Tshisekedi soit renversé, mais sans avoir mesuré la gravité de leur “tout sauf lui” et ses conséquences. Pourtant le Rwanda de 1990-1994 devrait leur servir d’exemple pour modérer tout politicien obnubilé seulement par la chute de son adversaire au pouvoir en s’alliant à toute sorte de mal ayant le même objectif immédiat mais dans un autre but car visant autre chose que le seul remplacement d’un individu.

Rappel historique du cas du Rwanda

Le 01 octobre 1990, le Rwanda fut envahi par les troupes de l’armée de l’Ouganda sous le commandement du vice-ministre de la Défense de ce pays le général Fred Rwigyema. Le corps expéditionnaire était composé principalement des éléments tutsi de l’armée ougandaise, toutes spécialités confondues. L’annonce de la mort au front des combats du général Fred Rwigema fin octobre fut suivie par l’annonce de son successeur au commandement du corps expéditionnaire ougandais qui envahissait le Rwanda à savoir le major Paul Kagame jusque là chef adjoint des Renseignements militaires de l’armée ougandaise. Celui-ci dut interrompre le stage qu’il venait de commencer aux Etats Unis dans le “Command and General Staff College” de Fort Leavenworth au Kansas où comme officier supérieur ougandais avec passeport diplomatique, il avait été envoyé deux mois plutôt par Museveni, le commandant en chef de l’armée ougandaise.

Lorsque le Rwanda commença à gesticuler et à crier qu’il était agressé par l’Ouganda, (ce qui était juridiquement et de fait établi), des pressions énormes furent exercées sur le régime Habyarimana pour qu’il reconnaisse qu’il s’agissait “d’ une guerre civile”.

L’argument avancé, notamment par l’OUA, (Organisation de l’Unité Africaine, ancêtre de l’Union Africaine) alors présidée cette année par Yoweri Museveni et dont le secrétaire général était le tanzanien Salim Ahmed Salim proche par alliance aux tutsi, était que “ces militaires de l’armée de l’Ouganda avaient des ancêtres rwandais et donc qu’ils étaient en droit de reconquérir le pays de leurs ancêtres!”

Ce ne fut pas la dernière couleuvre que Habyarimana allait avaler dans cette tragédie. Il lui fut imposé d’instaurer le multipartisme et permettre les activités des partis politiques naissants et en temps de guerre. C’est ainsi qu’aucune mesure de sécurité requise en pareilles circonstances ne fut prise. Même un état de siège ou d’exception ne fut déclaré de 1990 à 1994. La guerre s’est donc déroulée “en temps de paix”!

L’obsession de l’opposition naissante qu’était le départ du président Habyarimena à n’importe quelle condition devint alors son seul programme politique. Jugeant qu’elle ne pouvait à elle seule renverser Habyarimana et donc constatant son incapacité à l’éliminer politiquement et encore moins militairement, elle prit l’option de s’allier à l’envahisseur qu’était le FPR, ce qui l’aidait à affaiblir davantage le régime Habyarimana.

Aux timides voix qui leur faisaient remarquer qu’il était hasardeux et dangereux de s’allier à un envahisseur militaire aux objectifs politiques flous ou cachés, alors qu’on prétend être démocrate, les leaders de cette opposition répondaient dédaigneusement qu’ils sauront, le moment venu, se débarrasser de ce FPR, mais que l’urgence du moment était le renversement de Habyarimana. Les rwandais de l’époque se souviennent des slogans qui résonnaient dans les rues et quartiers de Kigali et dont les échos, dans les campagnes du Nord à la frontière avec l’Ouganda,  rivalisaient de décibels avec des explosions des obus de l’artillerie du FPR comme : “Habyarimana napfa impundu zizavuga…” (Si Habyarimana meurt, ce sera des cris de joie).

Enchaînement des événements

Après avoir conquis la scène politique à l’intérieur du Rwanda alors qu’il était encore et toujours basé en Ouganda, le FPR exploita ingénieusement ce succès politique qui était  plus significatif que ses conquêtes militaires (le terrain occupé à l’intérieur du pays n’équivalait même pas à la superficie d’une commune). Il exigea la mise en place d’un gouvernement dirigé et dominé par ses alliés, comme  condition sine qua none pour entamer les négociations de paix. C’est ainsi qu’en avril 1992 un gouvernement dirigé et dominé par les partis alliés aux FPR (postes de Premier Ministre, des ministères régaliens et économiques comme la Justice, les Affaires étrangères, l’Information et presse, les Finances, les Travaux publics, l’Agriculture, etc.) fut investi. Plus grave, le FPR parvint à désorganiser et infiltrer les services de sécurité (le Service Central des Renseignements notamment dont il a obtenu la direction en faisant nommer l’actuel président de son Sénat à sa tête) en plus des infiltrations physiques de ses combattants à l’intérieur du pays.

Après la signature des Accords d’Arusha, le FPR eut toute la latitude de créer les conditions pour qu’en temps voulu et choisi par lui, il décapite le pays et provoque le chaos dans un pays totalement infiltré. Ainsi, depuis décembre 1993, sous le monitoring d’un général canadien nommé Roméo Dallaire qui, sous le couvert de Commandant de la Force des Nations Unies, la MINUAR, avait pour mission cachée, d’installer les tutsi au pouvoir au Rwanda ; c’est l’envahisseur FPR qui filtrait les entrées et sorties au Parlement du pays le CND. Il l’avait conquis sans combat et en avait fait son Quartier Général dans la capitale Kigali. De même, c’est le FPR  qui donnait les ordres pour le trafic aérien sur l’aéroport international de Kigali-Kanombe en imposant les voies d’approche que devait emprunter tout aéronef décollant ou y atterrissant comme le rapporte le colonel belge Luc Marchal qui était commandant du Secteur Kigali de la MINUAR et rapporté dans le livre de Charles Onana.

Le moment venu, c’est-à-dire après avoir assassiné le président Habyarimana et sa suite dont le Chef d’Etat Major des FAR le 06 avril 1994 en abattant l’avion qui les ramenait de Dar Es Salaam, le FPR va entamer la conquête militaire du pays étant assuré que les FAR sont, non seulement occupées dans les missions de maintien et rétablissement de l’ordre public (MROP) suite à ce chaos politique que vivait le pays en guerre et décapité, mais en plus sous embargo en armes décrété par les puissances derrière le FPR et qui le poussaient.

En juillet 1994, soit après un assaut de trois mois, le FPR s’empara de la capitale Kigali  parachevant ainsi la conquête totale du pays. Il y installa alors un régime tutsi en y associant les partis qui furent ses alliés depuis 1991.

A peine un an après la conquête du pays, le FPR débuta le démantèlement de ces partis et la neutralisation de leurs leaders à qui il avait donné quelques postes-bidons. Les anciens opposants à Habyarimana qui croyaient se servir du FPR pour le renverser et ensuite marginaliser politiquement le FPR, sont depuis 3 décennies des exilés non seulement apatrides et diabolisés, donc sans aucun droit au Rwanda.

Parallélisme avec la situation en RDC de 2022 et risque que l’histoire ne se répète

Notre inquiétude est que les politiciens congolais qui sont opposés à Tshisekedi n’optent eux aussi pour cette option  “tout sauf Tshisekedi’’ jusqu’à s’allier à un envahisseur, en l’occurrence Paul Kagame à travers le M23, car il a en sa possession l’outil qui leur manque pour abattre leur adversaire à savoir le volet militaire de la lutte pour le pouvoir.

La réalité est que s’ils optent pour cet extrémisme (comme y ont cédé les opposants rwandais à Habyarimana), il renverseront Tshisekedi et arriveront évidemment au pouvoir, mais le vrai pouvoir sera détenu par l’envahisseur Kagame qui leur aura offert une force de frappe fatale au régime Tshisekedi. Mais hélas !, ils ne tarderont pas à se rendre compte qu’ils ont non seulement trahi leur pays mais aussi se sont trompés sur toute la ligne et passeront le reste de leur vie à pleurnicher comme les opposants rwandais à Habyarimana.

Pourtant, tout congolais devrait apprendre de l’histoire récente du Zaïre-Congo. Lorsqu’en 1997, Mzee Laurent Désiré Kabila fut installé au fauteuil présidentiel à Kinshasa par les “kadogo” de Kagame et Museveni, et qu’un certain James Kabarebe lui fut imposé comme “Chef d’Etat-Major des armées congolaises”, il commença à se poser des questions. Et quand en 1998, il exigea que les troupes tutsi rwandais quittent son pays, il n’en a pas survécu. Le même James Kabarebe entama une reconquête pour le renverser et Kishasa ne fut pas reconquise par les kadogo de Kagame que grace à l’intervention des armées de la SADC notamment du Zimbabwe et de l’Angola. Malgré cela, ce n’était que partie remise. Il va être abattu à bout portant par un kadogo de Kagame et Kabarebe dans son bureau en janvier 2001.

C’est en ménageant Kagame et sa clique et en lui permettant tout, que Joseph Kabila, le “ fils” de Laurent-Désiré, qu’il a remplacé, a pu tenir pendant 16 ans à la tête de la RDC.

Mise au point: Ceci ne devrait pas être considéré comme un appel à soutenir qui que ce soit en RDC et surtout pas Tshisekedi

Après cet exposé et cette prise de position, nous tenons à préciser qu’il ne s’agit pas du tout d’une campagne pour la réélection de Félix Tshisekedi. D’ailleurs nous ne sommes ni en droit ni en fait habilité à lancer ce genre d’appel.

Il s’agit tout simplement d’une analyse politique découlant de l’histoire politique récente de la région de Grands Lacs qui s’adresse non seulement aux politiciens mais aussi à tout citoyen de cette région meurtrie depuis plus de 30 ans.

Pour ceux qui suspecteraient notre démarche comme entrant dans le cadre la campagne pour faire élire Félix Tshisekedi, nous tenons à révéler ceci:

Depuis son accession à la tête de l’Etat de la RDC, Félix Tshisekedi a fait tout pour paraître meilleur que son prédecesseur pour avoir des faveurs de Kagame.

Ainsi en seulement trois ans à la tête de la RDC, Tshisekadi a traqué et maltraité les réfugiés hutu rwandais en RDC que ne l’a fait Joseph Kabila pendant ses 16 ans de règne.

Ainsi, depuis son accession au pouvoir, il a toujours permis à Kagame d’envoyer ses militaires de Special Forces pour tuer tout réfugié hutu connu ou influent se trouvant au Nord et Sud Kivu. C’est ainsi que les anciens cadres politiques et militaires qui encadraient les réfugiés pour assurer leur sécurité car abandonnés par la Communauté Internationale, furent ramassés et remis à Kagame. C’est aussi ainsi que plus de 500 anciens officiers ou administratifs (bougmestres, conseillers) sous le régime Habyarimana furent livrés à Kagame sous l’accusation d’être des FDLR ou des Interahamwe. Il l’a lui même confirmé au micro Marc Perelman et Christophe Boisbouvier de FRI et FR24 à New York le 23 septembre 2022.

C’est ainsi que tout le Haut Commandement des FDLR (cette force qui d’abord avait pour mission de protéger les réfugiés hutu abandonnés par la Communauté Internationale et à la merci du tueur Kagame), a été particulièrement visé dès l’arrivée de Tshisekadi  au pouvoir. Leur commandant en Chef a été assassiné par un commando venus expressément de Kigali. Même les officiers des ex FAR qui avaient été assignés à résidence à Kinshasa sous Kabila furent remis à Kagame. Les cadres civils comme le porte-parole des FDLR pourtant de nationalité congolaise, furent eux aussi remis à Kagame par Tshisekedi.

Bref vous aurez compris qu’il ne s’agissait pas de faire campagne pour Tshisekedi ni d’ailleurs pour aucun autre, mais pour attirer l’attention des politiciens congolais adeptes du principe de ”tout sauf lui…” que les rwandais l’ont appris à leurs dépens mais malheureusement trop tard.

En conclusion

Aucun étranger  ne peut prétendre être plus patriote qu’un congolais. Mais n’importe qui peut relever les erreurs d’appréciation que peuvent commettre les politiciens qu’ils soient rwandais ou congolais ou d’ailleurs. Ceci n’était qu’un exercice théorique de cette nature.

Photo: Félix Tshisekedi et Juvénal Habyarimana.