Deux ans après l’invasion du Nord Kivu par les troupes de Paul Kagame sous la couverture d’un groupe terroriste dit M23, la guerre entre dans une phase décisive dont la gestion politico-militaire déterminera quel sera le sort de la RDC et surtout de sa population.

Dans ce genre de guerres asymétriques et souvent par procuration et dont les ficelles sont tirées de l’extérieur, le principe de “fight &talk” est toujours de mise. En clair, les belligérants suivent un rythme de guerre où les phases de pourparlers  et de combats se succèdent. C’est celui qui saura gérer en sa faveur chaque phase, à qui reviendra la victoire ou le moins de déconvenues en cas de ni vainqueur ni vaincu.

Or, dans le conflit actuel en cours à l’Est de la RDC, il est apparu que la RDC a mis les charrues avant les bœufs en s’engouffrant tête baissée dans les pourparlers et en s’y embourbant,  laissant de côté l’aspect combat. Ainsi dans l’application du principe “fight & talk”, la RDC a sautée sur le “talk” sans penser ou pouvoir mettre des efforts  au “fight”.

L’on se rappellera des processus de Nairobi, Luanda, etc. et qui n’ont rien donné.  Il y a eu aussi des initiatives des organisations moribondes ou suiveuses comme l’EAC, l’UA, …, qui n’ont abouti à rien car la partie congolaise n’avait rien à brandir comme acquis pendant la phase “fight” contrairement à la partie de l’agresseur Paul Kagame qui, chaque fois, venait dans les “talk” avec davantage de gains sur le terrain.

La campagne électorale pour les élections du 20 décembre 2023 aidant, les responsables politiques et militaires de la RDC et au premier chef le président Félix Antoine Tshisekedi ont juré qu’ils mettront les efforts qu’il faut pour que non seulement les FARDC reprennent l’initiative sur le terrain, mais aussi et surtout soient à mesure de battre l’ennemi envahisseur et au final de le bouter hors des frontières nationales de la RDC.

Depuis début de ce mois de février, on remarque donc des positionnements des unités des FARDC dans les zones de combat, mais aussi un début de déploiement de la Force de la SADC censée avoir un mandat offensif pour repousser le M23/RDF et non un mandat  “diplomatique et de complicité” comme celui de la défunte et honteuse force de l’EAC.

Paul Kagame l’a compris et c’est pourquoi il vient de lancer une offensive généralisée avec pour objectif de prendre le nœud routier et la ville stratégique de Sake à la fois pour étouffer le chef lieu de la province, la ville de Goma avec ses 2 millions d’habitants et déplacés sans abris et ainsi peser plus lourd dans les prochaines négociations qui sont inévitables tant les pressions sur la RDC seront intenses surtout que militairement, elle sera en position de faiblesse.

Nous verrons comment se déroule cette offensive du M23/RDF et comment les FARDC et alliés ou forces voisines sur le terrain y font face chaque jour.

Soulignons que l’objectif politico-stratégique du M23/RDF de Kagame est d’infliger  les plus grandes pertes humaines dans la population (bombarder les camps des déplacés, les hôpitaux et les installations sociales comme le rapporte le quotidien belge “Le Soir” sous la plume de Colette Braeckman. Tout ceci pour convaincre l’opinion et surtout les populations martyres que le gouvernement de la RDC avec ses FARDC ne peuvent ou ne veulent  pas les protéger et que donc leur seul salut est de s’incliner devant le M23 de Paul Kagame pour avoir la vie sauve et la paix.

Mais parallèlement, certains faits médiatiques ou diplomatiques indiquent que le serment du président Tshisekedi de bouter l’ennemi hors de son pays avant toute négociation semble être pris au sérieux et avoir inquiété non seulement Paul Kagame mais aussi ses soutiens traditionnels et ses commanditaires dans ses agressions.

Signe des temps

Certains de ses  soutiens traditionnels volent au secours de Paul Kagame en recyclant ses vieux prétextes pour envahir les pays voisins, prétextes qui semblaient avoir volé en éclats car sans fondement. Ainsi la Belgique, vient de sortir de ses gonds. Quand on sait qu’elle a été l’un des soutiens du régime Kagame depuis 1994, on comprend tout.

C’est ainsi que le 09 février 2024, la ministre des Affaires étrangères de Belgique, Madame Hadja Lahbib a communiqué à la presse que pour la Belgique, le conflit à l’Est de la RDC est justifié par la présence des FDLR en RDC et que donc Kagame avait le droit d’aller les y pourchasser. Elle continue en prétendant que la minorité ethnique de la RDC à laquelle appartient Kagame serait discriminée. Enfin, que le gouvernement de la RDC lancerait des appels à la haine des Tutsi. Elle a en outre réaffirmé que la Belgique userait de toute son influence et de sa qualité à la présidence de l’Union Européenne pour faire pression sur la RDC dans ce sens.

On croit rêver! Ainsi Madame Hadja Lahbib, ancienne journaliste de RTL repérée par le MR pour en faire une “machine à voix” car vedette médiatique vue et écoutée par tous les auditeurs de RTL chaque jour à 20 heures,  et ensuite nommée ministre des Affaires étrangères, répète le narratif qu’a toujours fait Kagame et ses lobbies pour justifier l’invasion par le Rwanda des pays voisins comme la RDC ou le Burundi.

Voyant que le prétexte des rwandophones de l’Est de la RDC ne peut plus tenir car les millions de déplacés fuyant le M23/RDF de Kagame et des milliers de tués par ce groupe terroriste sont bien “rwandophones”, que l’autre prétexte d’aller secourir et libérer  les Tutsi de la RDC ne peut non plus tenir car ces Tutsi eux-mêmes disent qu’ils n’ont jamais appelé Kagame à leur secours mais plutôt qu’ils les instrumentalise, et que la RDC sévit en sanctionnant sévèrement tout individu tenant des propos de haine basés sur l’ethnie parmi les plus de 450 que compte la RDC, il ne restait pas grand-chose pour fournir à Kagame une justification de son agression de la RDC.

La propagande pro-Kagame a trouvé le bouc émissaire idéal que sont les FDLR. Le prétexte de l’invasion de la RDC était donc tout trouvé : ce sont les FDLR. Or Kagame lui-même et son ministre et ancien chef d’Etat-Major général des armées congolaises James Kabarebe,  ont à plusieurs reprises déclaré que les FDLR ne constituaient point une menace pour son régime et que s’ils s’aventuraient à entrer au Rwanda, ils n’y passeraient même pas une heure!

En plus le gouvernement de la RDC, depuis le régime Joseph Kabila, a toujours permis à Kagame de venir pourchasser et tuer ou kidnapper les FDLR sur son sol. Ainsi, il en a tué presque tous leurs chefs  et en a rapatrié au Rwanda des milliers. Il lui a même été permis de qualifier des enfants des réfugiés Hutu en RDC nés après 1994 et donc qui ont moins de 30 ans d’âge, de “Hutu ayant fui le Rwanda après avoir commis le génocide”, donc FDLR! La RDC n’hésite pas maintenant à sanctionner et même à démettre ses officiers généraux soupçonnés d’avoir des contacts ou plus grave, des relations de parenté  avec un quelconque hutu rwandais car tous assimilés aux  membres des FDLR.

Faits marquants de la semaine

* Des dizaines de jeunes ont organisé vendredi 9 février des manifestations devant plusieurs ambassades des pays occidentaux. Ils exigeaient une intervention plus vigoureuse de la communauté internationale pour mettre fin aux violences dans l’Est de la RDC.

*Durant le Week End du 10 au 11 février, ces manifestations ont été violentes toujours à Kinshasa devant les sièges des organisations  internationales  dont la MONUSCO.

*On notera aussi que le dimanche 11 février aura pris fin la distraction que constituait la CAN.

En effet, cette compétition de football pendant laquelle  l’équipe nationale de la RDC “Les léopards” est allée jusqu’en demi-finale, avait maintenu tout le pays en haleine. On peut parier que même les décideurs au plus hauts niveaux tout comme les agents de l’ordre, la sécurité et la défense du pays étaient un tant soi peu distraits par cette CAN.

On notera d’ailleurs que le geste des Léopards à l’ouverture d’un match : une main sur la bouche et deux doigts pointés sur la tempe comme un pistolet (pour illustrer le fait  qu’en RDC on tue mais que personne au Monde n’en parle). Ce geste a fait le tour du Monde et a fait des vagues même  au Rwanda. En effet un international congolais qui jouait dans un club rwandais, Rayons Sports, a eu l’idée de répéter le geste des Léopards après avoir marqué un but à Kigali. Aussitôt le footballeur congolais du nom de Héritier Luvumbu fut signifié que son contrat est résilié et qu’il est expulsé du territoire rwandais. Il passa la nuit à Goma et il est actuellement à Kinshasa.

Nous pensons donc que maintenant que la CAN est derrière nous, rien ne va plus distraire les dirigeants, les défenseurs, les patriotes, les jeunes, …, pour se concentrer sur l’essentiel et la lutte pour leur survie qui, à l’heure actuelle, est la reconquête du Nord Kivu.

Offensive du M23/RDF et communiqués de victoire

Pour rendre compte de son offensive, le M23/RDF a annoncé la prise de la ville de Sake. Des cris de joie ont été entendus dans certains lieux de rassemblement à Kigali pour fêter cette victoire. Mais peu de temps après, les FARDC ont annoncé que la ville de Sake était sous leur contrôle mais que l’ennemi dispersé sur les collines la surplombant, lançait des bombes sur la population civile afin de la faire fuire et ainsi prouver que Sake était aux mains du groupe terroriste de Kagame. Quelques heures après, la propagande de Kagame faisait un rétropédalage et annonça que ses combattants du M23/RDF avaient quitté Sake “sans combats donc sans en être chassés”. Allez comprendre !

*Les 12-13 février : La presse faisait état d’un rapport encore confidentiel de l’ONU qui disait que des missiles SAM 7 du Rwanda sont déployés dans le Nord Kivu et tirant sur tout aéronef survolant cet espace. Le rapport ajoute qu’un avion de la MONUSCO avait été visé par un tel missile  mais heureusement sans l’atteindre. On ne voit pas encore clairement à qui s’adresse ce message de Paul Kagame quand il vise les hommes et le matériel de l’ONU déployés en RDC. On ne sait pas non plus si ces frappes aériennes de Kagame dans les pays voisins vont s’intensifier et atteindre des objectifs même éloignés.

Enfin,on se demande si la cible actuelle à savoir la RDC, aura de quoi se protéger contre ces frappes de missiles (bouclier spatial) ou de quoi riposter, une contre-batterie, pour les faire taire. Mais comme toujours quand il s’agit de son enfant gâté Paul Kagame, l’ONU restera muette et préférera sacrifier ses Casques bleus en silence que de sévir contre leur tueur.

A suivre.

*Aux mêmes dates, on a noté l’inspection des troupes au front par le ministre de la Défense Jean Pierre Bemba accompagné du chef d’Etat Major général  des FARDC. En plus d’encourager et de recharger le moral des combattants au front direct, ils ont promis des renforts en hommes et en matériels qui seraient déjà en route pour le front. On verra et on jugera après.

*Toujours la même semaine, le président Cyril Ramaphosa d’Afrique du Sud a solennellement annoncé que  son pays allait déployer un contingent de 2900 hommes dans la force de la SADC en RDC avec un mandat offensif. On est désormais fixé sur les effectifs et le mandat de cette force. Espérons que la politique et la diplomatie ne vont pas tout brouiller pour rendre cette force non seulement inutile mais plus gravement nuisible comme le fut celle de l’EAC qu’elle vient de relever.

*Enfin plus grave et prémonitoire, le 15 février 2024, le M23/RDF a pris sous le feu de ses bombes mortiers le contingent sud Africain de la SADC à peine arrivé au Nord Kivu. Le bilan est lourd est de 2 morts et 3 blessés.

Le message que Kagame a voulu adresser à ces militaires de la force de la SADC n’est pas clair. Mais les questions que cette provocation appelle, sont claires: La force de la SADC va-t-elle s’attaquer aux envahisseurs de la RDC, ou se retrancher dans ses bases et subir les feux de l’artillerie du M23/RDF de Kagame passivement ou alors décamper ?

Voilà qui va constituer une clarification quant au mandat et à l’attitude de la force de la SADC déployée à l’Est de la RDC.

En conclusion nous disons ceci :

Aux autorités et forces de défense de la RDC

*Dans la présente phase de la guerre d’agression qui vous a été imposée, le principe de “fight & talk” reste d’actualité. Mais vous devez vous sentir comme étant dans le volet “ fight” et que le “talk” viendra après. Il faut résister à toute pression voulant vous amener dans les négociations mais en position de faiblesse.

Dans la  position et situation actuelle, la RDC est à l’aise. En effet, elle adhère et appelle de ses voeux ce qui est prévu par les processus de Nairobi et Luanda. Mais il faut que les conditions préalables soient remplies : déposer les armes par tous les groupes armés, cantonnement des combattants et retour des populations chassés de leurs biens, etc.

*En 1992, pour ne pas l’avoir compris et s’être précipités sur le volet “talk” dans la guerre que le même Paul Kagame avait déclenchée en depuis 1990, en négligeant le volet “fight”, les piètres politiciens qui venaient de squatter le pouvoir  politique au Rwanda républicain et démocratique de l’époque sont  même allés jusqu’à désarmer le bras armé du peuple (les FAR ) pour contenter l’envahisseur, Il l’ont appris à leurs dépens et sont maintenant devenus des rebuts de l’Histoire et ne s’en remettrons pas de si tôt. On aurait pensé que ceci avait servi de leçon aux autres peuples de la région (Congolais, Burundais) soumis à la même menace, mais il semble que ce ne fut pas le cas.

*Le 37è Sommet de l’Union Africaine  se tient ce week-end 17-18 février à Addis Abeba, Paul Kagame est déjà là et ses lobbies sont à l’œuvre pour couper l’herbe sous les pieds de la RDC, c-à-d lui interdire de reconquérir son territoire et lui imposer des négociations. Pour cela il compte faire nommer un Nième Médiateur ou Facilitateur, Il ne faudrait pas tomber dans ce piège. La prioritéé actuelle est de desserrer l’étau autour de Goma et dans la foulée continuer la contre-offensive pour repousser l’ennemi. Les pourparlers “talk” viendront après le “fight”.

Sur le plan diplomatique et médiatique, élaborer, mémoriser et vulgariser un catéchisme pour démolir les prétextes que les puissances comme la Belgique veulent accorder à Kagame afin de justifier son agression. Chaque responsable, à n’importe quel niveau, devrait savoir quoi répliquer aux prétextes suivants de Kagame pour son agression : défenses des rwandophones en RDC, défense des minorités ethniques en RDC, récupérer les territoires qui appartenaient au Rwanda avant la colonisation, pourchasser les Hutu des FDLR en RDC, …

A l’ancienne puissance coloniale au Congo, à savoir la Belgique nous disons:

Les temps ont changé. Certes vous avez un poids en Europe et donc vous êtes à mesure d’influencer les décisions prises concernant vos anciennes colonies (Congo, Ruanda-Urundi). Mais les anciens colonisés savent maintenant où se trouvent leurs intérêts.

Reconnaissez que tous les rwandais savent que le dictateur et sanguinaire Paul Kagame n’est pas une fatalité pour leur pays. Le Rwanda peut et voudrait s’en passer si possible et au plus vite.

Situation à suivre de près.

Source: Echos d’Afrique

Photo: Des milliers de personnes fuyant le conflit entre les forces gouvernementales et les rebelles du M23 arrivent à l’entrée de la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, mercredi 7 février 2024. (Moses Sawasawa/AP/SIPA)

Qui déstabilise la RDC? avec Patrick Mbeko (Service Public Libre, 31.01.2024)