Ont-ils oublié Luca Attanasio, Paul Rusesabagina ou les milliers de Congolais qui sont encore assassinés?

Ces jours-ci, une nouvelle question fait la une des médias occidentaux: l’arrestation de Roman Protasevich au Belarus. Dans les titres, l’Union européenne brille comme le grand champion mondial des droits de l’homme. Son « souci » de la démocratie et de la liberté est admirable. Elle est si intense et généreuse que, en étroite collaboration avec le grand parrain d’outre-mer (Anthony Blinken, secrétaire d’État américain, a déjà établi une doctrine à cet égard), ce “souci” l’amène à s’ériger en véritable juge de ce qui se passe dans les pays qui ne font pas partie de l’Union européenne et même en autorité mondiale légitime qui devrait imposer toutes sortes de sanctions.

Il s’avère cependant que lorsque nous cherchons des sources d’information alternatives, nous découvrons une fois de plus trop de choses gênantes : cet admirable blogueur a un curriculum vitae encore plus obscur que celui d’Alexeï Navalny. Des photos de ce « héros » de la démocratie et de la liberté portant l’uniforme nazi et le casque du bataillon Azov sont déjà disponibles sur Internet. Mais la grande masse des concitoyens de notre société européenne « informée » ne verra sûrement jamais des photos aussi révélatrices. Et ceux d’entre nous qui les ont cherchés et vus continueront à être des individus atypiques et étranges. Même anti-système. Nos concitoyens raisonnables ne découvriront sûrement jamais non plus certaines des choses que nous commençons déjà à savoir sur lui:

« […] que depuis 2017, il travaillait à la radio anticommuniste Radio Free Europe/Radio Liberty, financée par le gouvernement américain depuis 1949. Et qu’il a été un militant du bataillon nazi « Azov » dans le Donbas ukrainien depuis 2014 jusqu’à ce qu’il commence son étape « journalistique ». Le bataillon nazi « Azov » a envoyé plusieurs boîtes contenant des têtes de miliciens de Donbas à leurs proches, suivant l’exemple des djihadistes syriens. Mais avant de rejoindre le bataillon nazi « Azov », ce sympathique et agréable « journaliste d’opposition » aimait déjà couper des têtes. Le voici avec celui de Lénine à Kiev cette année 2014. »

Mais, même si la version européenne « impartiale » de l’affaire Protasevich était la bonne, il se trouve qu’il y a quelque chose que je n’arrive pas à cerner: ces mêmes élites européennes qui dépensent tant et si « généreusement » d’énergie dans cette affaire confuse d’un Belarus qui ne fait pas partie de l’Union européenne (une affaire dans laquelle –bien sûr!– semble à nouveau impliquée la Russie « perverse » et le « criminel » Poutine qui contrôle tout) sont les mêmes élites qui n’ont pas levé le petit doigt dans d’autres affaires bien plus graves et qui touchent aussi directement des citoyens européens. Je ne citerai que les deux barbaries les plus récentes d’une liste interminable qui remonte à trois décennies: l’assassinat de tout un ambassadeur italien en RD Congo, près de la frontière rwandaise, ou l’enlèvement du héros belge Paul Rusesabagina par le régime rwandais criminel de Paul Kagame.

Nos élites hypocrites et cyniques de l’Union européenne savent sûrement très bien que l’impunité absolue qu’elles accordent depuis trois décennies à ce grand criminel a pour résultat « collatéral » une incroyable multitude de victimes: des millions de meurtres et de viols, des blessés et d’innombrables souffrances, des destructions sans fin. Il y a deux mois, j’ai moi-même recueilli le témoignage choquant des massacres qui continuent de se dérouler jour après jour dans l’est de la RD Congo. Il y a quelques jours, nous avons reçu un autre témoignage de ce type de la part d’une personne que nous connaissons aussi directement:

« Avec  profonde douleur je vous informe que le peuple de Ruwenzori a été de nouveau victime des massacres. Et c’est encore une fois aux environs de Kilya-Kisima, sur la route vers la frontière avec l’Ouganda. Précisément en proximité des positions des militaires et casques bleus. Selon Donat Kibwana, administrateur du territoire de Beni, l’attaque a eu lieu mardi à 19h. On a déjà retrouvé 18 corps. D’autres portées disparues. Les enquêtes continuent.  Comme d’habitude, les personnes tuées ont été ligotées et décapitées par des assaillants. Parmi les victimes, figurent le chef du village de Kisima et son épouse.

L’État de siège continue à perdre le temps dans le partage des sièges. Entre temps, un silence de mort s’observe alors qu’on meurt entre les mains des soi-disant humains. Aucune parole de consolation ni d’engagement réel en faveur des victimes.

Entre silence d’impuissance et celui, honteux, de complicité … partout c’est l’odeur de la mort….!!! »

On peut se demander: si dans un seul village il y a eu des dizaines de crimes en un jour, que se passera-t-il dans des centaines ou des milliers d’autres villages que nous ne connaissons pas et sur lesquels, par conséquent, nous ne pouvons avoir aucune information? Une nouvelle campagne de signature citoyenne est actuellement organisée contre Paul Kagame. Ses déclarations négationnistes en France sur l’inexistence –selon lui– des énormes crimes commis en RDC mettent en émoi de nombreuses personnes dignes. Et c’est une bonne chose que nos élites hypocrites et cyniques soient conscientes de cette indignation croissante.

Mais, de mon point de vue, Kagame n’est rien d’autre qu’un monstre qui, depuis quelque temps, est devenu un véritable zombie. Il vit dans un délire qui me rappelle trop Adolf Hitler dans ses dernières années. C’est pourquoi je ne dépense pas trop d’énergie à dénigrer cet être pervers et perturbé. Je pense qu’il est beaucoup plus important d’exposer les élites occidentales qui l’ont créé et le soutiennent dans son délire (si rentable pour elles): les mêmes élites qui sont « horrifiées » par ce qui se passe au Belarus.

En remontant plus loin dans le temps, rappelons que ce sont ces mêmes élites qui, entre autres, après les quarante mandats d’arrêt émis par le juge Fernando Andreu, ont modifié la loi de justice universelle en Espagne pour que cet exécrable personnage, assassin de neuf Espagnols d’exception, ne soit pas inquiété. Mais peut-être que cela ne vaut pas la peine de faire autant d’efforts de ma part. Comme le dit le proverbe: « Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ». C’est pourquoi je ne pense pas qu’il soit utile de rappeler des épisodes tels que la détention dans l’espace aérien européen de rien d’autre qu’un avion présidentiel, celui d’Evo Morales. Ou celle d’un avion biélorusse, contraint par l’Ukraine à atterrir à Kiev.

Quelqu’un comme moi, qui est apparemment un peu conspiranoïaque, se demande si, par hasard, tout cela n’aurait pas quelque chose à voir avec la décision ferme que les élites occidentales ont prise de « maîtriser » enfin la Chine « totalitaire » et la Russie de l' »autoritaire » et même « criminel » Poutine (un vrai leader apprécié par ses concitoyens incomparablement plus et mieux que n’importe quel « leader » occidental par les leurs), en les harcelant militairement toujours plus près de leurs frontières. Quelqu’un un peu conspiranoïaque comme moi se demande si tout cela n’a pas aussi quelque chose à voir avec la grande satisfaction de ces mêmes élites occidentales devant l’efficacité avec laquelle le zombie criminel Kagame mène à bien le pillage de la très riche région orientale de la RD Congo et le harcèlement génocidaire de la population indigène sans défense afin de progresser dans la balkanisation et l’appropriation de leur très riche territoire.

Pendant mon jeûne de quarante-deux jours au Parlement européen en janvier et février 1997 (un geste de communion et de soutien aux centaines de milliers de réfugiés hutus assassinés dans l’est de l’ex-Zaïre), j’ai déjà pu constater que, malgré le soutien unanime et généreux que nous ont apporté pratiquement tous les groupes politiques, les décisions qui ont finalement été prises en Conseil des ministres étaient absolument déterminées par les élites qui utilisaient déjà l’Administration américaine pour réaliser leur projet génocidaire de « remodelage » de l’Afrique centrale, en écartant de la scène la France pas du tout « docile » de François Mitterrand.

Ce sont ces mêmes élites qui continuent aujourd’hui à utiliser cette administration américaine et l’Union européenne pour déstabiliser la Biélorussie ou pour renforcer le régime décadent rwandais auquel le président Macron fournit actuellement un indécent ballon d’oxygène. Des élites avec un projet mondialiste beaucoup plus ambitieux que celui des Républicains concernant le contrôle des ressources énergétiques du Moyen-Orient « allongé ». Des élites mondialistes qui visent directement la Russie et la Chine et qui visent un contrôle unilatéral du monde dans lequel l’Afrique est une cible très importante.

Mais encore une fois, je dois dire que rien de tout cela n’apparaîtra dans les médias occidentaux. Je n’oublierai jamais une scène que j’ai moi-même vécue au cours de ce mois de janvier 1997. Deux jours après l’assassinat de trois travailleurs humanitaires espagnols de Médecins du Monde à Ruhengeri, un meurtre commandité par Paul Kagame, je devais être reçu au Parlement européen (accompagné du conseillère Mercé Amer représentant le Consell de Mallorca) par le ministre espagnol des Affaires étrangères, Abel Matutes. La tragédie des réfugiés hutus au Zaïre et le meurtre des trois Espagnols faisaient alors la une de tous les journaux de l’époque.

Nous allions remettre au ministre espagnol une lettre très sévère adressée à Bill Clinton et signée par une vingtaine de prix Nobel et par les groupes politiques du Parlement européen. De nombreux professionnels des médias nous attendaient aux portes du cabinet du ministre, beaucoup d’entre eux avec leurs caméras de télévision. C’est alors que la correspondante de TVE 1 (canal 1 de la télévision espagnole) s’est approchée de moi et, très visiblement émue, m’a dit: « Juan, ce que tu fais est admirable. J’ai tout suivi au jour le jour. Mais je suis désolé de vous dire que je ne suis pas autorisé à enregistrer une seule image de vous ».

Roman Protassevitch, journaliste biélorusse, avait fait partie du bataillon néo-nazi Azov en Ukraine