Dans une interview accordée au journal La Croix du 03/6/2021, le Cardinal Antoine Kambanda nie catégoriquement les crimes commis par l’armée du FPR en RDC. Il se place dans la droite ligne du président Paul Kagame qui avait fait les mêmes dénégations sur France 24 dans une interview du 17/5/2021.
Non, il a arrêté le génocide, lui et lui seul. Et ce que le FPR a fait au Zaïre (aujourd’hui la RD-Congo), c’était la guerre pour poursuivre les génocidaires. Ces derniers s’étaient réorganisés pour nous attaquer. Il y avait des civils avec eux, ils les ont entraînés dans un voyage épouvantable au cœur de la forêt congolaise. Beaucoup sont morts dans cette échappée.
Mais cela n’est en rien un génocide comme le sous-entend le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies au droit de l’homme, le rapport Mapping. Il est ni juste, ni honnête. La plupart des réfugiés rwandais au Zaïre sont rentrés au pays. Mais les responsables et les acteurs du génocide des Tutsis, leurs alliés congolais ont inventé cette accusation. Elle est reprise, parfois de bonne foi, par des Occidentaux. Mais ils se font instrumentaliser par ceux-là mêmes qui ont intérêt à ce que l’on ne regarde pas ce qu’ils ont fait chez nous. J’invite ceux qui, de bonne foi, se font le relais de ces accusations, à venir au Rwanda pour constater la réalité de notre pays.
A la parution de cette interview, des réactions d’indignation ont fusé de partout. Sur Twitter bon nombre de personnalités ont rappelé l’appartenance du prélat au FPR, qu’il préfère manifester sa loyauté envers le serment qu’il a fait quand il a été membre de ce parti plutôt que celle envers l’Eglise catholique qui lui commande de la vertu en toutes circonstances.
Sur change.org, une pétition a été lancée par l’abbé Théophile Murengerantwali pour demander au Pape de retirer à Antoine Kambanda le titre de cardinal.
Voici en intégralité, la motivation de cette pétition :
Un complice du FPR Inkotanyi au Collège des cardinaux!
Ce serait un crime d’accepter la forfaiture du FPR Inkotanyi au Vatican.
Nous demandons à sa Sainteté le Pape François de revenir sur sa décision d’élever Mgr Antoine Kambanda au rang de Cardinal.
En effet,
Selon plusieurs témoignages crédibles et concordants au sein de l’Eglise catholique du Rwanda, la collaboration de Mgr Antoine Kambanda aux activités du mouvement criminel, le FPR Inkotanyi, débute dans les années 80, quand Kambanda était grand Séminariste. Issu d’une famille rwandaise refugiée en Uganda vers 1959, le jeune Kambanda grandit à l’étranger. En 1986, après la prise du pouvoir en Uganda par la NRA de Yoweri Museveni, les relations s’améliorèrent entre le Rwanda et l’Uganda. On parle même des relations d’amitiés entre les deux Présidents Habyarimana et Museveni à cette époque. Le Rwanda étant alors paisible dans ce temps-là, les réfugiés qui le souhaitaient, pouvaient regagner leur pays. C’est dans ce cadre que le grand séminariste Kambanda rentra au bercail, plus précisément en 1988, et fut intégré au Grand Séminaire de Nyakibanda où il poursuivit, comme les autres, son cheminement vers la prêtrise. Ce que les rwandais de l’intérieur avaient ignoré, c’est que un plan de conquête du pouvoir par les réfugiés Tutsi avait déjà été décidé.
Le Séminariste Kambanda fut donc accueilli à bras ouverts dans l’archidiocèse de Kigali, par l’entremise de l’archevêque Vincent Nsengiyumva qui, quelques années plus tard sera froidement assassiné par le mouvement rebelle, le FPR Inkotanyi, mouvement constitué comme c’est connu par les réfugiés Tutsis, en grande partie venant de l’Uganda. Curieusement, quand Antoine Kambanda accédera au siège épiscopal de Kigali, il n’aura pas le courage d’enterrer dignement l’archevêque assassiné, sachant bien par ailleurs que les chrétiens ne cessent de le lui demander. Comme c’est déjà connu, le FPR une fois au pouvoir, s’est toujours opposé au fait que les évêques assassinés à Gakurazo en Juin 1994, parmi eux l’archevêque Vincent Nsengiyumva, puissent bénéficier d’une sépulture digne.
Revenons donc aux années auparavant, quand Antoine Kambanda fut Grand séminariste, au Séminaire de Nyakibanda. Durant toutes ces années, le séminariste se rendait, dit-on, en vacances en Uganda, prétextant visiter ses parents mais, d’après plusieurs sources, il ramenait du Rwanda des informations, qu’il passait au Mouvement FPR, dans le dessein de préparer ses attaques contre le Rwanda. Ces actes que l’on peut caractériser d’espionnage expliquent en quelque sorte, pourquoi Antoine Kambanda choisit plutôt de poursuivre ses études de Séminariste au Rwanda, et non à l’étranger où il les avait entamées. Aux yeux des chrétiens rwandais en tout cas, Mgr Kambanda est perçu comme étant complice des crimes et atrocités infligés au peuple rwandais par le FPR Inkotanyi, depuis sa première attaque jusqu’au aujourd’hui. La preuve en est qu’il n’a jusqu’ici jamais osé lever le petit doigt pour dénoncer des crimes innombrables qui se passent sous ses yeux, depuis l’archevêché de Kigali. Des prêtres qui l’ont côtoyé dans ses années de séminaristes, eux ne sont pas étonnés. Selon leurs affirmations, Antoine Kambanda a toujours fait la propagande du FPR, clandestinement certes, mais ces agissements ne passaient pas inaperçus.
Antoine Kambanda accéda à la Prêtrise lors de la visite du pape Jean Paul II à Kabgayi en Septembre 1990. Le 1 Octobre de cette même année, juste après le départ du pape, le FPR Inkotanyi attaquait le pays. Plusieurs témoins affirment que beaucoup de rebelles s’infiltrèrent dans le pays en profitant de la visite du pape. La complicité de Kambanda lors de cette attaque est tout aussi souvent mentionnée. La Journaliste d’investigation, Judi Rever, est revenue dans ses recherches sur la collaboration du prêtre Kambanda aux activités des rebelles. Depuis l’attaque du FPR Inkotanyi, le pays allait être mis à feu et à sang. Le FPR commettait des massacres à grande échelle contre les populations civiles, et les Hutus étaient particulièrement visés.
En Avril 1994, le FPR Inkotanyi violait les accords de paix d’Arusha, en assassinant le président Juvénal Habyarimana. Le pays sombra aussitôt dans l’anarchie. Il y eut des bavures de part et d’autres, durant lesquelles les Tutsis furent particulièrement massacrés par des groupes des populations affolées. Maintenant l’on sait, par les responsables du FPR eux-mêmes, que ces groupes appelés communément Interahamwe, avaient été infiltrés par des commandos du FPR, qui les incitaient à s’attaquer aux Tutsis. Le génocide des Tutsi de l’intérieur aurait été alors voulu par le FPR ? Il parait cependant que lors du génocide, Antoine Kambanda poursuivait ses études à Rome. Pendant que les crimes indescriptibles se passaient dans le pays, le FPR Inkotanyi continuait ses avancées, tout en multipliant les crimes contre les civils. Beaucoup de familles périrent dans ces évènements, tant des Hutu et que des Tutsi. On dit aussi que la famille d’Antoine Kambanda n’a pas été épargnée, ce qui est très déplorable. L’Eglise catholique, par le biais de ses évêques, fit évidemment ce qui était de son pouvoir pour sauver des vies humaines, ainsi que d’assister ceux qui étaient menacés, mais le FPR compliquait la tâche de tout le monde, tant ses crimes jetaient les populations entières dans le désarroi. Partout où le FPR Inkotanyi arrive, c’est les exécutions pures et simples des gens, souvent en commençant par les ligoter les bras en arrière et en les achevant avec une houe usagée, tout en visant surtout les hutus influents dans cette besogne. Une fois arrivé à Kabgayi, le FPR a assassiné froidement trois évêques, ensemble avec leurs prêtres qui y a avaient trouvé refuge ! Parmi les évêques assassinés, il y avait, comme déjà mentionné, le responsable de l’archevêché de Kigali, où Antoine Kambanda exerçait comme prêtre.
Depuis peu d’années, Mgr Antoine Kambanda s’est retrouvé installé au siège de son ancien parrain. Que ce soit l’ironie de l’histoire ou bien un coup de miracle, cela n’importe pas beaucoup, mais ce qui est surprenant ce sont les contradictions qui s’affichent tout de suite. Normalement il est très rare, dans les habitudes de l’Eglise, dans les pays dits jadis de mission, qu’un évêque soit chargé de son diocèse d’origine, à moins que ce soit une exception pour des raisons d’une extrême gravité. Sans toutefois vouloir s’immiscer dans les raisons qui ont poussé les autorités de l‘Eglise à nommer Kambanda à Kigali, il faut pourtant noter l’enthousiasme inhabituel des autorités de l’état pour le sacre de Kambanda. Il est très rare que le Président Kagame honore de sa présence les cérémonies d’investiture d’un évêque. Mais pour Kambanda, le dictateur rwandais se donna non seulement la peine de se déplacer, mais Il y eut surtout la mobilisation des populations, et la cérémonie se passa au stade national, ceci pour la première fois dans l’histoire. Sans consulter personne et sans avoir écouté l’avis des chrétiens, l’archevêque Kambanda annonçait tout de suite qu’il avait l’intention de changer l’emplacement de la cathédrale St Michel du plateau de Kigali pour un autre lieu plus bas, dans le quartier Muhima, précisément à l’endroit même de la légendaire prison connue sous le nom de 1930. Mais les Chrétiens du Rwanda ne sont pas dupes, et ils ont tout de suite compris. Le Dictateur Paul Kagame a toujours exigé que la cathédrale St Michel soit éloignée de son palais. Mais St Michel étant plutôt comme un monument pour les chrétiens, tant les messes radiodiffusées se sont toujours passées dans cette édifice, il n’est pas question que Kambanda, le nouveau venu, décide du sort de St Michel à leur insu. Qui donc entre le Président Kagame et de la cathédrale mémorable a trouvé l’autre sur place pour devoir bouger ?
Ces derniers temps, le silence complice de Mgr Kambanda lors des exactions commises par le FPR avec les mesures draconiennes liées au Covid 19 est on ne peut plus parlant. Les habitants d’un quartier dit Kangondo II dans l‘archidiocèse de Kigali virent leurs habitations détruites sans ni dédommagement, ni savoir où aller. L’archevêque de Kigali a fait comme si cela n’était pas son problème. Plus grave encore, un responsable de l’association Ibuka, liée au régime de Kigali prononça en Avril 2020 un discours problématique à propos de L’Eglise. Il parlait du devoir pour le FPR Inkotanyi de s’infiltrer dans l’Eglise jusqu’au Vatican, et d’envoyer des gens pour enceinter des religieuses, afin qu’il y ait, d’après lui, de la progéniture pour les rescapés du génocide Tutsi ! Ce discours en soi scandaleux a choqué les chrétiens, mais le silence de Mgr Kambanda montre bien que qui ne dit mot consent. Plus encore, selon toujours ce responsable de l’Ibuka, le FPR Inkotanyi devrait renforcer le chantage sur l’Eglise catholique, afin de la maintenir dans une position de faiblesse, en lui faisant comprendre que c’est elle, l’Eglise, qui serait à l’origine du génocide des Tutsis.
Selon donc l’avis des Chrétiens Rwandais, tant que Antoine Kambanda agit en complicité avec le FPR Inkotanyi depuis qu’il fut séminariste, il ne peut pas se laver les mains des crimes du FPR depuis la première attaque jusqu’à aujourd’hui. Notons que dans le passé, l’Eglise catholique a plutôt opté pour les sanctions à l’encontre des évêques Barnabas, Gapangwa et Ngabu, qui militaient ostensiblement pour le FPR Inkotanyi. Et maintenant, il est inconcevable qu’au lieu de sanctionner Mgr Kambanda, l’Eglise prend maintenant la décision de le récompenser avec le cardinalat ! Comment se fait-il donc qu’un ami personnel du dictateur sanguinaire Paul Kagame en arrive à être nommé Cardinal, étant donné que le même Paul Kagame s’est lui-même déclaré l’ennemi juré de l’Eglise catholique ? A moins que ce soit sa propre destruction que l’Eglise voudrait encourir à travers cette nomination !
Beaucoup de chrétiens du Rwanda ne s’étaient pas encore remis, du fait que le dictateur Paul Kagame soit reçu en pompe par le Pape en 2017, l’année où il changeait la constitution pour s’ériger en dictateur à vie du Rwanda. D’aucun ont pris cet acte comme la complicité du pape pour pérenniser la dictature au Rwanda. Certains même se sont refusés depuis d’aller à la sainte communion. La nomination de l’ami personnel de Paul Kagame comme Cardinal ne fait qu’empirer la situation. Les Chrétiens catholiques du Rwanda prennent cette nomination comme une trahison de la part de leur propre Eglise. D’où nous demandons que le Pape revienne sur sa décision, avant que les chrétiens ne perdent pas définitivement la confiance en l’Eglise.
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Sur page Facebook, Emmanuel Mwiseneza a fait la réaction suivante:
Le Cardinal Antoine Kambanda est une honte pour l’Eglise Catholique, une Église miséricordieuse et compatissante. Au lieu de compatir avec les rescapés des massacres à caractère génocidaire du Congo/Zaïre, il enfonce le couteau dans leurs plaies encore béantes, en minimisant les tueries dont ils ont été objet, les qualifiant de dommages collatéraux alors que de nombreux observateurs avisés, de nombreux rapports dont le fameux Mapping Report qui fait trembler les amis du Cardinal Kambanda, ont démontré le caractère systématique et volontaire des massacres ayant visé les réfugiés Hutus en ex-Zaïre.
Lorsque le nom de Kambanda a été proposé comme futur Cardinal certains compatriotes s’étaient lancés dans une pétition pour rappeler le passé militant de ce prélat et demander l’annulation de sa nomination. J’avais pensé que l’élévation à ce titre le ferait prendre de la hauteur et qu’il se garderait désormais d’afficher ses accointances avec le dictateur rwandais, Paul Kagame. A mon grand étonnement ce Cardinal vient de montrer que son ancrage politique est plus fort que ses engagements au sein de la hiérarchie catholique.
J’appelle tous les fidèles de l’Eglise catholique ainsi que la hiérarchie de l’Eglise catholique rwandaise et de l’Eglise Catholique Universelle à désavouer ces propos et à s’en distancier.
Sur Twitter, des indignations sont en nombre :
Fuente: Musabyimana