De Ndabaga à Idamange il y’a énormément de femmes rwandaises auxquelles j’aurais aimé rendre hommage en cette journée internationale dédiée aux droits des femmes.

Mais parmi ces milliers de femmes exceptionnelles et courageuses qui méritent qu’on s’incline pour leur rendre un hommage appuyé, il y’en a une en particulier sur laquelle je voudrais m’arrêter pour lui témoigner toute mon admiration: Madame Victoire Ingabire Umuhoza.

L’histoire, vous la connaissez, mariée et mère de trois jeunes enfants, cadre dans une compagnie internationale basée aux Pays-Bas, Victoire Ingabire a décidé de tout plaquer en janvier 2010 pour se rendre au Rwanda afin d’apporter sa contribution à un meilleur Rwanda.

Dès son arrivée le cauchemar a commencé, intimidations, insultes menaces jusqu’à son emprisonnement le 14 octobre 2010.

Comme si s’en prendre à elle ne suffisait pas, ses proches collaborateurs ont été également molestés , torturés , emprisonnés et certains comme Illuminee Iragena

ont été portés disparus , d’autres comme Jean Damascène Habarugira, assassinés , le corps retrouvé marqué par les traces des sévices infligés.

Sa famille restée à l’étranger n’a pas été épargnée, puisque son mari, sa mère, le mari de sa tante et bien d’autres ont directement fait l’objet d’accusations les plus ignobles dont même son père, décédé depuis deux décennies n’à pas été épargné.

Le 14 septembre 2018, après 8 ans de prison dont une bonne partie en isolement, elle a reçu la grâce présidentielle suite à des pressions internationales.

A sa sortie de prison, on s’attendait logiquement à voir une femme brisée, prête à renoncer à son combat en raison du coût trop élevé que ça demande pour un être humain. Mais dès sa sortie, elle a montré encore plus de courage et de détermination qu’avant même son emprisonnement.

Le premier surpris par tant de détermination fut le général Kagame en personne, lequel quatre jours plus tard, dans un discours public, menaçait de la réincarcérer si elle ne faisait pas profil bas.

Des menaces qui se sont rapidement avérées sans aucun effet sur cette femme toujours prête à sacrifier sa liberté ou sa vie pour ses idéaux.

Ils ont alors changé de stratégie afin de la briser en lui faisant subir quelque chose de bien pire que l’emprisonnement ou l’assassinat : l’élimination de ses proches un an un.

Le 8 octobre 2018, Boniface Twagirimana son vice-président disparaissait alors qu’il se trouvait pourtant dans une prison haute sécurité.

Le 8 mars 2019, quelques heures avant son allocution à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Ils assassinaient par strangulation Anselme Mutuyimana, son bras droit qu’elle considérait comme son enfant.

Le 15 juillet 2019, c’est Eugène Ndereyimana, un autre jeune membre de son parti qui était porté disparu.

Le 24 septembre 2019, ils poignardaient à mort Syldio Dusabumuremyi, un autre proche collaborateur.

Comme si cela ne suffisait pas, le général Kagame reprenait la parole en novembre 2019, en promettant d’ « augmenter le prix à payer » dans le chef de ceux qui « veulent destabiliser le pays » sa manière à lui de qualifier des personnes comme Victoire Ingabire ou Kizito Mihigo auxquels il faisait allusion alors que pourtant chacun dans son registre ont toujours prôné de façon pacifique et inclusive la paix et la réconciliation des rwandais. Deux personnes auxquels il a « pardonné » mais qui à ses dires « recommencent à jouer à ces jeux » et auxquels il lance un sanglant « we will put you where you belong. »

Dès menaces rapidement mis en exécution puisque le 17 février 2020, la redoutable police rwandaise annonçait le « suicide » en détention de Kizito Mihigo.

Alors qu’avec l’assassinat de Kizito Mihigo, on pensait avoir atteint le sommet de l’horreur, le calvaire de Victoire ne s’arrêtait pas puisque en mai 2020, Ntirutwa Theophile, un autre proche collaborateur survivait à une tentative d’assassinats qui a emporté son voisin. Il est depuis de retour en prison alors qu’il venait à peine d’en sortir.

En juin 2020, c’est Venant Madiba Abayisenga, son nouveau bras droit , lui-même à peine sorti de prison qui était porté disparu.

L’horreur était telle que l’appel public à l’assassinat de Victoire Ingabire par une radio rwandaise proche du pouvoir quelques jours plus tard passait presque inaperçu.

Hier en regardant son entretien avec un groupe de femmes belges parmi lesquelles Els Schelfhout, Ann Gilles-Goris, Therese Sbolgi Claeys, et qui l’interrogeaient sur son parcours politique , je n’ai pu m’empêcher de repenser à ce qu’elle a enduré et endure encore. Plus que ce que beaucoup d’entre nous ne pourrions endurer en l’espace de cent vies.

Quand j’ai vu la lucidité qu’elle conserve, son discours toujours positif et rassembleur, son espoir pour l’avenir du Rwanda qu’elle voit toujours « en rose », je n’ai pu que m’incliner face à la résilience de cette grande dame qu’est Victoire Ingabire Umuhoza.

Source: Musabyimana